A la charnière des années 80 et 90, ils n’étaient qu’une poignée — B-Boy Stance qui deviendra IAM, Soul Swing & Radical au centre-ville, Uptown aux Micocouliers, B.Vice à la Savine, Puissance Nord à La Busserine, — à donner corps à ce mouvement qui allait changer la donne musicale marseillaise. Ils ont, avec d’autres (Psy4 de la Rime, Troisième Œil, Fonky Family, Keny Arkana, JuL, SCH, Naps, Soso Maness, The Crush…) qui les ont rejoints ensuite, participé à faire de leur ville, « l’autre capitale du rap » comme la qualifient les chroniqueurs du genre.
« Nul n’est prophète en son pays. ».
C’est du moins ce qu’ont dû penser ces pionniers quand en 2013, Marseille déroula le planning des manifestations de son année Capitale Européenne de la Culture, une année culturelle tout azimuth, mais sans hip-hop. Rien qui ne rende à César – on ne parlait pas encore de JuL dont le premier single ne paraitra en novembre de cette année-là – ce que cette ville avait donné à ces musiques qui, depuis, sont devenues les musiques les plus téléchargées, les plus écoutées de l’hexagone. Pour la municipalité Gaudin, déconnectée de sa propre ville ce qui se confirmera au fil des ans sur plus d’un dossier, le mouvement n’avait rien d’emblématique.
« Nul n’est prophète en son pays », mais quand même.
L’épisode malheureux de l’Année Capitale est remonté à la surface à l’occasion des dernières municipales. Pour le Printemps Marseillais, l’opposition unie au vieux maire et à son équipe, il y avait là, si ce n’est un levier électoral, l’occasion de poser les premiers jalons d’un programme culturel. Le hip-hop avait enfin droit de cité sur les rives du Vieux-Port, au point d’imaginer une future maison du hip-hop. Et sans même attendre de poser la première pierre de l’édifice ou d’investir des murs déjà existants, la nouvelle municipalité s’engage en portant via certaines de ses mairies de secteur, Hip-Hop Non Stop #1, une manifestation qui n’est pas sans rappeler Hip-Hop Society que propose l’AMI depuis 2018 et dont l’édition 2021 aura lieu durant les prochaines vacances de la Toussaint. L’AMI, qui accueillit un temps IAM à la Friche la Belle de Mai, il y a bientôt trente ans, lui ouvrant le sous-sol d’une de ses dépendances, a contribué à nourrir le terreau marseillais en organisant très tôt des ateliers écriture avec Namor, DJ avec DJ Rebel et M.A.O. avec Fred Berthet. Elle est associée comme de nombreuses structures (Le Molotov, Hypérion, Le Makeda, l’Affranchi…) ou collectifs d’ici à ce grand raout estival.
Hip-Hop Non-Stop, demandez le programme.
A la fois lieu de rencontres, de débats et d’échanges de savoirs coordonné par Julien Valnet, auteur de M.A.R.S. Histoires et Légendes du Hip-Hop Marseillais (Ed. Wildproject – 2013), cette première édition garde les oreilles ouvertes aux sons de la scène, et c’est par une soirée de concerts au Théâtre Silvain qu’elle s’ouvre. Au programme : Elodie Rama, Oy et Ka(ra)mi, « trois prêtresses du rap et de la soul » comme les présente le dossier de presse. Elodie Rama sera accompagnée par la chorégraphe et danseuse flamenca Ana Perez, une excitante rencontre entre deux arts peu habitués à partager la même scène (le 24/08 dès 19h30– 5 € &10 €).
Les 25 et 26 août, toujours au Théâtre Silvain, Marseille Zulu Radio pose son studio pour des directs au cœur de l’action, pendant que sur scène rappeurs et danseurs combinent leur art avec entre autres Al Iman Staff au mic et les compagnies Hylel, Horizon Beatume, Organon pour les seconds.
Le dernier soir, cette scène à ciel ouvert à deux pas de la Grande Bleue sort son écran géant et projette deux documentaires : le très récent “Marseille Capitale du Hip-Hop” de Gilles Rof et Didier D. Daarwin et “Hip-Hop Stories” de Queen K (2011)
Les 25 et 26, les échanges auront lieu en journée au Théâtre de l’Œuvre. Trois tables rondes autour de la danse, du graff et des studios d’enregistrement ont fin juin début juillet, apporté des éclairages quant à la diversité artistique d’un mouvement qui est bien plus riche et divers que ses simples vitrines sur Youtube, fussent-elles visionnées des millions de fois. Trois autres tables rondes cibleront elles l’encadrement professionnel des artistes (managers, producteurs, tourneurs), dressant un état des lieux du hip-hop phocéen « entre artisanat et industrie » comme le présente le dossier de presse (le 25/08 de 14h à 16h), la nouvelle génération et à ses spécificités tant artistiques que dans son rapport au business et aux médias (le 26/08 de 14h à 16h). La dernière, sorte de point d’étape, de bilan de cette première édition d’HHNS, posera en présence de Jean-Marc Coppola et Marie Batoux, adjoint et adjointe au Maire, en charge de la Culture pour le premier, à l’Education Populaire pour sa collègue, sa « sista » comme on dit entre B.Boy et B.girls, la question des politiques culturelles et de l’éducation populaire dans une ville comme Marseille (le 27/08 de 17h à 19h30 au Théâtre Silvain, sous le soleil couchant. Pensez à vos casquettes à l’envers ou pas).
Des rencontres appelées « palabres » entre une personnalité porteuse d’un savoir, d’une expérience et un.e interviewer.euse aborderont toujours au Théâtre de l’Œuvre, la question de la centralité du hip-hop phocéen, du lien entre répertoire culturel et un territoire urbain, en présence du sociologue Rémi Boivin. (le 25/08 de 16h15 à 17h45). Serge Ansourian, le Délégué régional de la SACEM présentera le droit d’auteur et le fonctionnement de la la société civile, avant que son confrère, adjoint au directeur du Département de la Musique de la Bibliothèque Nationale de France, son « Bro à la B.N.F.» pour faire court, Benoît Cailmail évoque les missions de la B.N.F., à savoir Collecter, Cataloguer, Conserver et Communiquer. (Le 26/08 de 10h à 13h). Star du beatbox, champion de France 2006 et 2007, champion du monde par équipe 2009, Micflow présentera cet art qui consiste à reproduire un rythme, à imiter des instruments, des mélodies ou encore des scratchs à l’aide de la bouche, du nez et des cordes vocales, de ses origines à aujourd’hui ; intégrant de fait la loop-station qui ouvre de nouveaux horizons au beatboxers. (Le 26/08 de 16h15 à 17h45).
Toujours au Théâtre de l’Œuvre, deux formations synthétiques animées par Charlotte Le Gal (Umanoïa https://umanoiamusic.com), qui maitrise sur le bout des doigts la communication digitale parlera des réseaux sociaux et aiguillera le public sur les bons choix à faire en la matière (Le 25/08, de 9h30 à 11h) avant de s’intéresser tout particulièrement à Youtube et à ses bons usages. (Le 25/08 de 16h à 17h30).
Pour boucler cette présentation exhaustive et parce le plaisir conjugué des oreilles et de la connaissance est au cœur de la philosophie hip-hop, l’historique DJ Rebel, le pionnier,le passeur, celui que le dossier de presse affuble à raison d’un Grandmaster, aimé et apprécié sur les ondes de la Grenouille comme en soirée, racontera depuis la scène du Thhéâtre de l’Œuvre, en deux heures et avec moult anecdotes, retours historiques, analyses et critiques, l’histoire du rap US, des origines au tournant des années 2000. Une histoire qu’il ponctuera d’extraits musicaux piochés dans une quinzaine de vinyles marquants qu’il fera tourner sur ses platines. (Le 25/08 de 11h à 13h).
Hip-Hop Non-Stop #1, du 24 au 27 août, au Théâtre de l’Œuvre et au Théâtre Silvain. Gratuit à l’exception du concert du 24 août. pass sanitaire exigé / Possibilité de réaliser un test chaque soir sur place. Toutes les infos sont ici