Et contre-attaque.
Marsatac est né il y a 19 ans dans la tête de trois passionnés de Hip Hop, qui ne trouvaient ni chaussures à leurs pieds, ni salles de concert à leur passion. Comme on est jamais mieux servis que par soi-même, ils ont monté leur propre festival de Hip Hop à l’Espace Julien : un énorme carton.
Depuis le festival a déménagé plusieurs fois, il a grossi, grossi. Cette année il investit encore un nouveau lieu, le parc Chanot à Marseilles et la programmation est pour le moins, excitante …
Coucou la programmation 2017
19 ans après la première édition, les trois fondateurs sont toujours là, l’esprit aussi, un quatrième larron les a rejoint et tous les ans une équipe super fidèle rejoint les troupes tant pour la musique, le festival que pour le bonheur de travailler ensemble.
Ça tient à quoi ? Béatrice, co-fondatrice du festival et Mimi à la prod s’expliquent !
Béatrice Desgranges, co-fondatrice du festival
Comment c’était la première édition du festival il y a 19 ans maintenant ?
Très artisanal. On était tous les trois marseillais, on avait une proposition musicale, Hip Hop qui avait notre âge et que personne ne proposait à Marseille. On l’a fait sur les deux scènes de l’Espace Julien.
C’était pas notre métier, on avait beaucoup d’envie, beaucoup d’energie alliées à une grosse méconnaissance de l’organisation d’événements comme ça, et puis on avait quand même une pression parce qu’en 1999 avec notre programmation 100% Hip Hop marseillais, on était carrément attendu au tournant. Imaginez sur la même scène il y avait Troisième Œil, Faf la Rage, Puissance Nord, Psy 4 de la Rime, la Fonky Family, Appolo 13, Carré Rouge … C’était aussi la première scène de Keny Arkana qui avait 14 ans …
La playlist du tout 1er Marsatac
En plus à l’époque à Paris quand il y avait des concerts de Hip Hop, ça ne se finissait pas toujours bien.
Et finalement ça c’est super bien passé, c’était super bon enfant, et on affichait complet, 2 500 personnes, ça a été un énorme succès, on a eu une presse phénoménale. Bref ça a dépassé un peu toutes nos espérances…
Nous on a eu du mal à prendre la mesure des choses tellement on était dans le truc, mais ce qui est sûr, c’est qu’on était lancé.
Comment vous décrireriez Marsatac aujourd’hui ?
C’est un festival de musiques électroniques et urbaines avec le spectre le plus large possible. On ne s’interdit rien. Le plus important c’est qu’il y ait une vraie exigence artistique et que ça reste toujours festif, c’est la patte du festival. Les gens viennent faire la fête à la marseillaise, en étant super bon esprit, Le public est plutôt jeune mais on a de tout et la prog qui mêle têtes d’affiche, vieux de la vieille et jeunes pousses encore inconnus permet aussi ça.
19 ans plus tard, qu’est-ce qui vous rend curieuse dans la programmation ?
J’ai vraiment hâte de voir la Fonky Family sur scène qui se reforme spécialement pour Marsatac. Je suis très heureuse qu’ils nous refasse confiance 19 ans plus tard. Déjà à l’époque ils avaient accepté de jouer pour presque rien sur la scène d’un festival naissant, et c’était au moment de la sortie de leur premier album, autant dire que tout Marseille les attendait. Et là ils reviennent à un moment clé de leur histoire deux ans après leur dernière scène.
J’ai hâte de voir les générations cumulées, ceux qui écoutaient dans les années 90 et ceux pour qui ce sont des légendes, voire les petits qui ne les connaissent pas forcément …
Quel(le) artiste(s) avez-vous découvert cette année grâce à la programmation de cette année ?
Les filles de Nova Twins, deux anglaises très jeunes, à peine 20 ans qui ont envie de faire de la musique, du bruit, de faire la fête. Elles sont un peu barrées, un peu punk , elles ont l’air d’avoir pas peur de grand-chose.
Autrement, ce n’est pas moi qui m’occupe de la programmation mais je découvre beaucoup de choses chaque année.
Les Nova Twins
Quels sont tes souvenirs de concerts les plus forts ?
Les fois où, en Live, les gens se révèlent et se transforment sur scène. J’ai pris une grosse claque avec John Talabot. Il m’a complètement emporté dans son univers. J’ai aussi été hallucinée de la présence et l’énergie de Murkage sur scène. En 2012 on l’avait fait intervenir deux fois, à Nîmes et à Marseille.
Le freestyle de 1995 + OrelSan + Murkage en 2012 en backstage de Marsatac
En 2008, il y a aussi eu le live de Laurent Garnier. On était sur l’esplanade où il y a maintenant le MUCEM, on savait que c’était la dernière année où on y était et Laurent Garnier était le dernier live. Il jouait sous un chapiteau, le soleil se levait, j’ai le souvenir d’avoir senti toute la pression du festival retomber, je pouvais rien faire, juste écouter le son. C’était magique, j’étais un peu en lévitation.
Est-ce que tu as le souvenir d’une grosse galère qui s’est finalement bien terminée ?
Nous en terme de grosses galères, on est plutôt récidivistes. Mais incontestablement la plus grosse galère, c’est aussi celle qui marque l’acte de renaissance du festival : l’annulation météo en 2002.
C’est la seule et unique édition qui a lieu sur l’île du Frioul, en face de Marseille. On voulait emmener les gens écouter de la musique au large sur ce site magique. Il y a eu une enorme effervescence en ville, tout le monde en parlait.
On a dû tout interrompre la première nuit. La soirée a commencé et une grosse tempête a commencé à se lever. Le vent soufflait vraiment fort, la mer était démontée. On a dû rapatrier tout le monde à Marseille. 1 500 personnes sur une mer déchaînée, des bateaux de croisières nous ont aidé, mais aussi la police, la douane.
Le lendemain, on a pas eu l’autorisation pour faire la 2e nuit.
Et ce qui est fou c’est que tout le monde se souvient de cette édition comme si elle avait vraiment eu lieu, comme s’ils l’avaient vécu, tellement l’attente était folle.
À partir de ce moment-là, on a compris qu’on avait quelque chose vraiment, on n’était pas encore des pros aguerris, on a tous lâché nos métiers respectifs, et on s’est complètement lancé dedans.
Émilie Bruyère, alias Mimi, chargée de production
C’était comment ta première fois au festival ?
La première année où j’ai travaillé pour le festival, c’était encore aux Docks de Sud. Ils n’ étaient pas assez nombreux, alors j’ai rejoint l’équipe. C’est un super bon souvenir, on a beaucoup travaillé et surtout beaucoup rigolé. L’un autant que l’autre. J’ai forcément eu envie de recommencer. Marsatac, c’est la famille, des gens qui aiment vraiment travailler ensemble.
Un souvenir d’une grosse galère qui s’est bien terminée ?
Il nous manquait une mixette pour un Dj, je ne sais plus qui …On a tous lancé tous nos réseaux, les frères, les soeurs, les potes, les potes des frères et soeur, finalement le miracle est venu d’un bénévole passionné de musique qui avait ça chez lui.
Un autre moment très drôle, c’était pendant le concert d’Orelsan. On devait traverser le public avec le matos de Rone. La foule était dingue et on avait énormément de mal à se frayer un passage en camion. C’est un petit camion, mais il faut y aller vraiment doucement quand t’as une foule aussi imprévisible et excitée, les gens étaient fous, ils essayaient de comprendre ce qu’on faisait. Et là, au milieu de notre galère, on a entendu Orelsan chanter dans une sorte de blanc « Suçe ma bite pour la Saint Valentin » …
Un fou rire d’anthologie.
Les demandes un peu incongrues qu’on vous a faites ?
Ah pour ça, il y a toujours les riders de Sexy Sushi. L’année où ils sont venus, ils nous ont mis dans la liste une masse, un parpaing et une énorme clé à molette. Au bout d’un moment, le coursier qui s’occupait d’acheter tout ce qu’il fallait pour les artistes, a fini par nous appeler : « mais vous comptez faire quoi exactement avec tout ça » ?
En même temps … Le teaser de Sexy Sushi pour Marsatac en 2013
Le souvenir d’une rencontre ?
Un soir, j’étais en train de m’affairer, et un mec se pose à côté de moi, hyper gentil et me demande ce que je fais, s’intéresse à mon boulot pendant une heure, pose pleins de questions etc. Le soir même, je le reconnais sur la grande scène. C’était un des mecs de Tale of Us.
Qui avez-vous hâte de voir sur scène cette année ?
En balance , De La Soul, parce que je me rappelle qu’ils avaient été super drôles en balance la première fois qu’ils sont venus.
Visuel : © Flashback Photographic