Éminence noire des seventies.
Les éditeurs ayant épuisé beaucoup de mines d’histoires et multiplié les biographies, en arrivent à des couches plus profondes (underground !) de la société.
60’s-70’s : filon d’histoires folles
Les années 60 et 70 sont un filon d’histoires folles, de dérapages incontrôlés et d’exercices appliqués de l’autodestruction et de l’échec, mais avec un parfum de fête, de folie et de soi-disant « Glamour ».
Jacques de Bascher (1951-1989), en quelque sorte un « inspirateur privé » de Karl Lagerfeld. Ce jeune aristocrate, tête brulée, Dom Juan homosexuel, dandy bringueur, enfant gâté suicidaire, provocateur né, fut une comète des années 70.
Ce fils de famille, engagé dans la marine, puis dans les nuits parisiennes, avec la même énergie, participa à l’acceptation de l’homosexualité à sa manière : scandaleuse débridée et, pour tout dire auto-destructrice .
De Basher-Lagerfeld : relation platonique
Devenu le protégé de Karl Lagerfeld à 20 ans , dans une relation platonique , mais esthétique, Jacques de Basher, émanation inattendue des univers de Marcel Proust, Joseph Karl Huysmans, Andy Warhol, Lucino Visconti, David Hockney, ou encore du kaiser Karl Lagerfeld, décida d’en profiter.
De Paris à Rome, New York, Milan ou Bali, jet-setant avec le naturel de cette génération Jacques de Bascher brûla ses vaisseaux, du Chivas à la coke et du joint à l’héro, comme tant de ses compagnons, nés pour expérimenter tout ce que cette époque Hip, Pop, Rock, Punk, Disco…leur offrait sur un plateau.
Au passage, il entraîna avec lui quelques insatisfaits, puristes, nostalgiques d’un monde idéal, fait de beauté et d’hédonisme sans limite : Yves Saint Laurent, Kenzo, Xavier de Castella, Diane de Beauvau Craon, pour ne citer que les plus connus de la cohorte de fêtards qui, du Club 54 au Palace, avaient l’impression de faire renaitre les grands bals des Besteigui, Noailles, et autres marquis De Cuevas…
Bizarre citation, inspiration rétro d’un grand monde disparu, mais véritable moteur esthétique, boosté par les substances clés de la contre-culture, d’où le choc. Le grand chic et la drogue font bon ménage, et même passion, mais de courte durée.
La mode démocratisée ?
Dans cette biographie, signée Marie Ottavi, les Éditions Séguier nous proposent la lecture en négatif de cette période agitée, presque hystérique, ou l’homosexualité régnait comme un nouvel eldorado… Avec, en prime la démocratisation du style, de la mode, et des références ultras chics à la portée de tous. Illusion fâcheuse.
Car malgré le mécénat, l’argent, le succès mondial de la « Mode », le quotidien triomphe : le travail laborieux du temps, de la fatigue et du vide laissé par les nuits blanches finit par envahir le jardin des fantasmes, avec ses propres spectres : ennui, maladie, et surtout l’impossibilité d’atteindre l’Art ou la création, inaccessibles aux noceurs.
Mais si vous avez le courage de plonger dans ces temps agités, d’affronter les démons du désir et des plaisirs, alors vous apprendrez quand même pas mal de choses troubles sur ces temps si riches et décriés, avec leur part d’illusion et de sado-masochisme.
Jacques De Bascher. Dandy de l’ombre. Par Marie Ottavi. Éditions Séguier. 300 pages. 21 euros (avec une vingtaine de photos et documents d’époque).
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