Dans cette prison de Zomba, où la vie est un enfer parce que les détenus sont abandonnés à la violence et à la misère, Ian Brennan a saisi des chants et en a fait un album.
En France on construit des prisons, y a-t-il un bon morceau qui parle de ça ?
Oui, il y a d’excellents projets musicaux qui parlent bien mieux de la réalité carcérale que de nombreux politiques. C’est le cas du Zomba Prison Project, qui a été monté par un certain Ian Brennan, ethnomusicologue, producteur et collecteur de son du réel. En 2013, Ian et sa femme Marilena Delli, documentariste, se sont rendus dans une prison de haute sécurité au Malawi, un petit pays enclavé au sud-est du continent africain. Et ils y ont tendu leurs micros. Pour enregistrer la voix, les histoires, les messages des prisonniers et notamment celles d’un groupe de musiciens enfermés, dont le leader a été condamné pour avoir tué un homme qui lui avait volé ses instruments.
Dans cette prison de Zomba, où la vie est un enfer parce que les détenus sont abandonnés à la violence et à la misère, Ian Brennan a saisi des chants. Ceux de ce groupe de musicien, mais aussi d’amateurs et de prisonnières qui communiquent par le biais de tuyaux de plomberie. Avec ces heures et ces heures d’enregistrement, il a sorti un album où l’on entend des récits de prison, la plupart du temps en langue chichewa. Les morceaux ont des titres particulièrement francs : “Please Don’t Kill My Child” (ne tuez pas mon enfant), “I Am Done With Evil” (j’en ai fini avec le mal), etc.
Depuis la sortie du disque, en 2015, les sommes récoltées ont servi à la défense de certaines et certains de ces prisonniers qui ont pu être libérés depuis. C’est devenu une œuvre de référence où la réalité carcérale est enfin représentée en première personne. Par celles et ceux qui la vivent. C’est dur, mais c’est très beau.