Ce matin, on fête un disque culte, par son auteur, son succès d’abord contrarié, sa mythologie et son esthétique. Il y a 22 ans, en octobre 1999, sortait discrètement “Operation Doomsday” de MF Doom.
À l’époque, personne ne sait exactement qui est ce MC au masque de fer. Personne ne comprend précisément son pseudo, ne comprend d’où il vient, ni pourquoi dans ses textes il a une telle dent contre l’industrie musicale. Au mieux, les rares qui écoutent ce disque comprennent que ce MF Doom est extrêmement doué, autant en tant que rappeur que producteur, puisque c’est lui qui fait tout sur son disque.
Mais il va falloir attendre quelques années pour comprendre la genèse de cette œuvre folle. En fait, MF Doom, en 1999, n’est pas un novice du tout. Il a déjà eu un premier groupe de rap, KMD, avec son frère, Subroc. MF Doom s’appelle alors Zev Luv X, il croit en l’avenir, se sert du rap pour se moquer de son pays avec un regard et une plume particulièrement tranchés. Et puis en 1993, son frère meurt dans un accident de voiture. Dévasté, il sort quand même un album, Black Bastards, que personne ne va comprendre.
Operation Doomsday, le retour du vilain
Alors MF Doom se retire dans l’ombre. Il disparaît. Et il fomente. À la manière d’un vilain, d’un super héros de comic books, il prépare son retour et sa vengeance. Le nom MF Doom est tiré des comics, l’esthétique et la mythologie aussi. Le nom de l’album annonce la couleur : le phénix, qui vient de renaître de ses cendres, est en mission. Son retour sur terre est une opération, une mission. Il doit prendre sa revanche sur l’industrie musicale qui lui a tourné le dos et il le fera sans rien céder. Ni son identité, son intimité, son anonymat. Il ne jouera plus jamais au jeu médiatique. Il fera ce qu’il veut comme il veut : à savoir du rap enfumé, inspiré de la meilleure soul des années 70, blindé de références à la Blaxploitation et au cinéma japonais. Un rap autocentré et indépendant dont il assurera la création, la production, le mixe et la médiatisation.
Ce premier album est tellement puissant et intense que la planète terre va mettre un peu de temps à le recevoir. Petit à petit dans les années 2000, il s’est fait une place. Avec le temps, le rappeur est devenu culte. Et puis l’an dernier, MF Doom est mort. Et toute son œuvre, son message, sa légende sont devenus encore plus importants.
Ce disque est à la croisée des choses, de la musique, de la mythologie et de la vraie vie qui est parfois est sombre. Il est entré au panthéon des albums qu’on n’oubliera, je crois, jamais.