Victoire de la Marseillaise Laura Vazquez lors de la dixième cérémonie de remise du plus sérieusement absurde des prix littéraires, en public, à bord de la péniche Grande Fantaisie à Paris.
Parce qu’un bon livre, ouvert à n’importe quelle page, doit pouvoir amuser, intriguer, instruire, choquer, blesser ou tourmenter son lecteur ou sa lectrice, et parce qu’à la page 111 de la pièce de théâtre Rhinocéros d’Eugène Ionesco on trouve ces deux mots magiques : « pourquoi pas ? », un jury impartial, méthodique et porté sur un certain fétichisme numérologique, a créé en 2012 sur l’antenne de Radio Nova, devinez quoi, le désormais célèbre Prix de la Page 111.
Principes fondateurs : il s’agit d’examiner attentivement toutes les pages 111 de tous les romans écrits en langue française et publiés dans notre beau pays entre la fin du mois d’août et avant-hier, en considérant, c’est très important, cette page 111 comme une œuvre d’art à part entière, du premier au dernier mot, du premier au dernier signe de ponctuation, comme si l’auteur ou l’autrice n’avait rien écrit d’autre. En analysant cette page avec des techniques de pointe, en évaluant le style, le vocabulaire, la psychologie des personnages, la qualité des dialogues… De manière à la fois objective et forcément très subjective, pour tenter de répondre à ces questions : est-ce que la partie vaut pour le tout ? Est-ce que l’art de l’écrivain, sa maîtrise de la langue, des caractères et des situations, peut aussi se lire dans les détails, sur un fragment, sur une seule page ?
« Si le sommeil venait sur moi, c’est sûr, il me tuerait. » Au réveil d’une cérémonie onirique de 181 minutes dans la cale chavirée de la péniche Grande Fantaisie à Paris, la réalité se fige et prend perpétuité : le Prix de la Page 111 édition 2021 a bel et bien été attribué à Laura Vazquez pour celle de son premier roman « La Semaine perpétuelle », publié aux Éditions du sous-sol. Reflétant l’étrangeté naturelle de nos explorations numériques, sa page raconte essentiellement l’histoire vraie d’un Vietnamien qui n’a pas dormi depuis 43 ans, vivant donc 2 vies par jour en se sentant « comme une plante sans eau », parfois filmé par 10 caméras. « De tout le livre, c’est le seul personnage que je n’ai pas inventé », nous a confié l’autrice, arrivant de Marseille et aussi étonnée que nous.
Outre sa page encadrée, Laura Vazquez remporte une dotation exceptionnelle de 111 centimes en pièces de 1 centime offertes par Boualem dit Bob du « Dream Café », ce qui ne s’invente pas, ainsi qu’une résidence de 11 mois et 11 jours dans l’émission « Alpha Beta Nova » présentée quotidiennement par Sophie Marchand sur Radio Nova.
Notons qu’une mention spéciale pour le prix du meilleur nom de personnage a été proclamée en croquant dans une chenille congolaise pour récompenser « Croustine », sujet de l’unique phrase de la page 111 du roman Tu aimeras ce que tu as tué du Québécois Kevin Lambert paru aux éditions Le nouvel Attila.
Notons enfin que le pilote de la version enfants de notre aventure, Le Prix de la Page 11, animée par deux grandes lectrices de 11 ans, Rose Gallic et Coline Miroux, partageant au micro de François Perrin leur expertise en littérature jeunesse, s’est avéré joliment concluant. C’est déjà l’heure du petit remplacement. Et cela nous bouleverse au plus haut point.
Le jury 2021, pas pressé d’aller dormir : Marguerite Demoëte, Richard Gaitet, Bertrand Guillot, Guillaume Jan, Estelle Nollet, Victor Pouchet, Claire Richard.
Une émission imaginée par Richard Gaitet et réalisée par Juste Bruyat avec l’aide de Melvin Schlemer. Habillage sonore : Guillaume Girault & Juste Bruyat. Programmation musicale : Romain BNO. Comédien.ne.s : Tania Dessources, Angeli Hucher de Barros, Sophie Garric, Julien Goetz, Judith Margolin, Xavier Valoteau. Artiste à haut de forme : Ghandi Jeddi. Chanteur-guitariste triple express : Gaspard Royant. Trompettiste élégant : Aristide Gonçalvès. Animatrices du Prix de la Page 11 : Rose Gallic et Coline Miroux, interrogées par François Perrin. Bravo à Laura Vazquez et 111 remerciements à Mélanie Mallet, Esteli Hernandez Ortiz et Théo Sebald, ainsi qu’à toute l’équipe de la Grande Fantaisie pour leur accueil, en particulier Jérôme Lafay.