La vague glamour paradoxale.
On se plaint à juste titre de six ou sept décennies de culture américaine, qui envahit nos cinémas, télés, magazines, transformant notre vieille Europe en colonie culturelle étasunienne, depuis 1945 ! Mais ce qui nuance ce propos, c’est que l’Amérique elle-même a connu de grandes invasions : française, de la Nouvelle-Orléans au Canada, dés leur indépendance, puis des vagues suédoises, anglaises, italiennes, irlandaises et bien sur la British Invasion des sixties, puis les latinos…
Dès l’entre–deux–guerres, ce sont les immigrés d’Europe qui ont afflué de chaque pays, et concernant la culture, il suffit d’une guirlande de noms pour réaliser l’apport allemand, surtout en matière de cinéma.
Carl Laemmle, au tout début du siècle, le futur créateur des studios Universal, se lance dans les nickelodeons, cinoches permanents à pièces, lançant Harold Lloyd, Lon Chaney, Mary Pickford, John Ford et surtout son compatriote Eric Von Stroheim, le prussien inimitable, en jodhpur et monocle, véritable ambassadeur à l’allemande…Son bras droit, Irving Thalberg, allemand comme lui, deviendra un producteur ultra-célèbre et tout-puissant.
Mais ce hors-d’œuvre nous mène droit à des personnages comme Fritz Lang et ses films policiers (Docteur Mabuse, M le maudit…), eux-mêmes inspirés de l’expressionnisme allemand, vont marquer à jamais les films noirs américains…
Marlene Dietrich : stricte et glamour
Pour frapper fort : Marlene Dietrich, l’irrésistible. La parfaite allemande, stricte, glamour, apportant à Hollywood un touche de classe nouvelle, à la fois stricte et légèrement décadente.
Formée par Josef Von Sternberg, Marlène a incarné la lumière, la perfection de l’élégance, de la beauté, mais aussi d’une humanité réelle. Et Von Sternberg a véritablement établi un style noir et blanc parfait, argenté et magique, auréolant les stars d’un halo devenu un modèle hollywoodien.
Quant à Billy Wilder, encore un pur Allemand en fuite comme tant d’autres, devant la montée du fascisme, il a écrit puis réalisé les comédies les plus brillantes, raffinées, humoristiques et typiquement américaines ! Certains l’aiment chaud, avec Jack Lemmon, Tony Curtis et Marylin Monroe, reste un modèle du genre, indépassable.
Il avait débuté avec un certain Ernst Lubitsch, autre immigré allemand, arrivé en 1922, réclamé par l’industrie du cinéma. Grand réalisateur, il fera jouer le tout-Hollywood : de James Stewart à Gary Cooper, de Carole Lombard à Gene Tierney. On lui doit Ninotchka avec Garbo ou To be or not to be, superbe comédie d’une troupe de théâtre chez les nazis, devenue un classique. Et le discret Wilhelm, Dieterle , qui avait déjà fait tourner en Allemagne Marlene et joué pour le Faust de Murnau, sa filmographie américaine est impressionnante, avec des dizaines de films importants.
De toute façon, le cinéma allemand était au zénith, des réalisateurs magiques comme Murnau, Pabst étaient des modèles. Lorsque ce dernier fit tourner Louise Brooks dans Loulou, elle est starisée à vie.
En plus ces Allemands ont choisi : bien que de culture allemande, berlinoise, viennoise, urbaine, excellents en théâtre, music-hall, cabaret, ils aiment l’Amérique, lui sont fidèles, la représente avec talent (on dit que pendant la guerre, Marlene Dietrich a passé plus de temps sur le front qu’Eisenhower lui-même, au théâtre aux armées et au soutien des soldats).
De Preminger…à Schwarzenegger
On pourrait citer Otto Preminger, qui tourna des classiques avec Sinatra (L’homme au bras d’or), Dorothy Dandridge (Carmen Jones) ou La rivière sans retour avec Mitchum et Monroe…Je pourrais continuer jusqu’à Wim Wenders, Arnold Schwarzenegger ou Diane Kruger…Mais ce qui importe c’est leur rigueur, leur discipline, leur professionnalisme, et leur indéniable humanité romantique, forte, affirmée à l’extrême dans un style héroïque, dramatique, prenant, contrasté, justement expressionnisme, dont Hollywood hérita.
Voilà pour ce paradoxe oublié et le glamour allemand. Une autre fois, je vous parlerai des hongrois d’Hollywood, d’André de Toth, grand aventurier et réalisateur génial, aux sœurs Gabor, pures stars fifties.
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