Compter jusqu’à 10 000 (dans 10 000 Gestes, sa précédente oeuvre) n’a donc pas suffi à Boris Charmatz. Avant de prendre les commandes du Tanztheater de Wuppertal, où il tentera d’y faire vivre l’héritage artistique de Pina Bausch, Il a fallu qu’il s’attaque à plus grand. À l’inconcevable, peu importe par quel bout on essaie de le saisir. L’infini. Attendez, mettons une majuscule, une capitale, pour que ça claque encore davantage : Infini. Le vertigineux Infini si cher à Buzz l’Éclair (et moins à Blaise Pascal), le grandissississme, le nanominiature ; une métaphore en forme de jeu de nombres sur laquelle Boris Charmatz et ses cinq collègues d’interprétation s’appuient pour diffracter leurs métamorphoses.
Des comptes, des dates, des mesures, des temps de la danse, des repères : autant de mathématiques égrenées, d’engrenages, dont ce spectacle tumultueux fait les décomptes. Jusqu’aux décombres. Jusqu’à l’abstraction. Jusqu’à ne plus signifier qu’une insignifiance : une défaite assurée, au bout des sèches litanies de la toquante sans toc.
De calculs savants en cailloux d’un Petit Poucet tournant sur lui-même, un peu trop bien aiguillé, la danse se fait fiévreuse, turbulente, défiant la gouverne intégrée du chiffre, qui modèle temps et pensées. Une intensité algébrique secouée, précipitée, chaotique et sans pitié, à l’envers, à l’endroit, à l’unisson, aux sons collés de son étonnant accompagnement musical, où Rameau se pique de hip-hop, où Philip Glass se crie auprès de cornemuses synthétiques.
Un spectacle auquel Nova Bordeaux vous offre des places. Elles s’empochent juste ci-dessous, avec le mot de passe Nova Aime.
Infini, de Boris Charmatz, les mardi 21 et mercredi 22 décembre à 20h @ La Manufacture (Bordeaux).