Le huitième album du duo malien illumine, malgré les ombres.
La Confusion. Ce n’est pas pour rien qu’Amadou & Mariam, le duo superstar malien, a décidé de nommer ainsi son nouvel album, de nouveau paru chez Because Music. Car dans « La Confusion », le single qui a donné son nom à ce huitième album, et dans bien d’autres moments (le morceau « C’est Chaud », notamment) on y dénonce les troubles politiques qui, depuis 2012 et l’occupation du Nord du pays par les groupes salafistes djihadistes indépendantistes pro Azawad, ravagent le Mali de l’intérieur. Et ces troubles, implicitement évoqués (« C’est la confusion partout, c’est l’illusion partout, c’est la division surtout ») c’est l’un des axes majeurs d’un disque philanthrope et humaniste, qui pense et se tourne vers l’autre, et qui rappelle, c’est une habitude pour le duo, la nécessité de certains fondamentaux. « Que tout le monde chante, danse, bouge », conseillent-ils. Bonne idée.
Danser et bouger pour se défaire de la misère, physique et morale ? Voilà un conseil que le duo applique également à sa propre musique. Car il faut bien avouer qu’il envoie, ce huitième album, qui se fait sans doute plus pop encore que ses prédécesseurs. Loin des ambiances world et reggae que proposaient il y a quelques années Manu Chao, qui avait produit l’album Dimanche à Bamako (plus gros succès commercial du groupe, avec les singles « Beaux dimanches », « La Réalité », ou « Sénégal Fast-Food »), La Confusion bénéficie en effet de la production et l’orchestration discoïde d’Adrien Durand, le responsable du projet de pop funky Bon Voyage Organisation, qui commence justement à en avoir cumulé pas mal, de voyages (physiques et mentaux). Passionnée de musiques de partout, et largement sensibilisé à l’idée de « Sono Mondiale », Adrien, avec l’appui de Jimmy Douglas au mixage (The Weeknd, Björk), a fait de ce disque un objet d’afro-disco d’une efficacité parfaite.
Dans le Nova Club, où le duo est venu bavarder avec David Blot et Sophie Marchand à Cannes, ils nous racontaient : « On avait déjà nos morceaux qui étaient là. C’était surtout au niveau de la production qu’on avait besoin d’aides. Adrien est arrivé à ce moment-là. Mais il a apporté aussi d’autres idées, des idées de jeunes par rapport à nous ! »
Un jeune européen qui a apporté autant à des artistes aussi aguerris (Amadou & Mariam sont tous deux nés dans les années 50) ? C’est que la jeunesse, et l’avenir de celle-ci, doit être l’autre obsession de ce disque. L’expression « Bofou Safou », qui donne son nom au premier single de l’album, renvoie ainsi, en Malien, à ces « jeunes oisifs qui ne pensent qu’à danser, à flâner, et à profiter des plaisirs de la vie plutôt que de travailler ». Amadou & Mariam devenus un brin protecteurs avec cette jeunesse qu’ils aimeraient voir plus active et plus à même d’assurer l’avenir immédiat du pays ? Peut-être un peu.
Dans ce disque, on dresse aussi les louanges de la femme africaine, socle des sociétés d’un continent encore largement aux réflexes encore largement patriarcaux, via le très bon « Femmes du monde », et aussi dans « Ta promesse », qui évoque des noces avortées, la faute à un homme pas bien courageux ayant fait faux bond le jour de son mariage. « La vérité s’est de bien lorgner. Le mensonge a déjà pris sa place. La violence qui frappe tout le monde. On ne sait plus où donner de la tête » : dans le cadre politique, comme dans le cadre intime, rien à faire, c’est la confusion. Et la fête paraît, définitivement, le moyen le plus sage d’y remédier.
Amadou & Mariam, on les aime bien chez Nova. Preuve en est : on est partis avec eux À la Dérive, on les a reçu dans le Nova Club, et également le matin, dans Plus Près De Toi.
Visuel : (c) Benoat Peverelli