Le putsch taliban en Afghanistan, en août dernier, a fait résonner l’écho d’un autre évènement historique qui avait sidéré le monde : la Révolution Islamique de 1979, en Iran, menée par l’ayatollah Khomeini. Une catastrophe pour les libertés des Iraniens et, bien plus encore, des Iraniennes, qu’ont vécu la mère et les tantes de Gurshad Shaheman. Continuant de creuser le sillon autobiographique dessiné par son précédent spectacle Pourama Pourama, l’auteur, acteur et metteur en scène persan, directeur de la compagnie La Ligne d’Ombre, leur donne la parole, à ses aïeules s’étant retrouvées, adolescentes, étudiantes engagées, aux prises avec l’histoire.
Le résultat : Les Forteresses – où on peut aussi entendre, sans doute à dessein, « les Fortes ». C’était déjà un bouquin, c’est désormais, sur scène, une pièce (toute nouvelle création TNBA), où ces trois femmes d’une même famille iranienne, éparpillée, exilée ça et là sur la mappemonde, où ces trois voix fauves – celles de Jeyran, Shady et Hominaz – dessinent un demi-siècle d’histoire intime croisant étroitement, tragiquement, la grande histoire d’une humanité parfois cruelle avec ses semblables. À partir de ce moment décisif, ce bouleversement considérable : « C’est ce jour-là / Devant ce nuage noir / Que j’ai compris que tout était perdu / C’en était fini de nous / La démocratie était vaincue / Tout / Tous nos efforts / Tout ce sang versé / Toute cette fougue / Cette jeunesse / Nos espoirs / Tout nous était volé »
Évidemment, tout ça ne s’expédie pas en quelques coups de cuillère à pot, raconté à la manière du plan des gnomes voleurs de slip. Les Forteresses étendent leurs constructions, leurs témoignages, leurs souvenirs sur trois heures, pour évoquer les revers du destins, les séparations, les choix de vie … Gurshad Shaheman : « À travers trois monologues entrelacés, chacune passe en revue son enfance, la relation aux parents, les études, l’engagement politique, le rapport aux hommes, au mariage, à la maternité, à Dieu, à l’exil … Leurs voix se succèdent et se complètent, tissant un réseau de sensations et d’idées, dressant trois paysages intimes enchevêtrés où chacune fait pour soi-même le bilan de sa vie à l’approche du crépuscule. »
Rassemblées sur la même scène, dans une scénographie inspirée par les restaurants et les chây-khooneh de Darband, au nord de Téhéran (où les client.es mangent à ciel ouvert, assis.es sur des chevalets-lits recouverts de tapis posés sur des rus peu profonds), la mère et les tantes de l’auteur s’invitent à ses côtés pour raconter, se raconter, tout autant au présent que dans les bribes de leurs passés, leurs soliloques vibrant avec les compositions électroacoustiques de Lucien Gaudion, émaillées de chansons populaires iraniennes.
Une saga familiale, aux résonances exemplaires et universelles, à laquelle Nova Bordeaux vous offre des places. Elles se décrochent juste ci-dessous, avec le mot de passe Nova Aime.
Les Forteresses, de Gurshad Shaheman, du mardi 25 au vendredi 28 janvier à 20h @ TNBA (Bordeaux).