Rocker cultivé, donc paradoxal.
C’est Nova qui ressort en livre (!) les meilleurs moments de Bashung, des propos avec quelques journalistes plus curieux et sentimentaux que les autres ? Le résultat est émouvant.
Enfance isolée, contorsions pour s’exprimer
Non seulement il parle franchement de son enfance isolée, des sa famille pas terrible, de sa différence et de ses frustrations, mais ensuite il analyse ses échecs, les affres du show-biz français (le pire ?) et les contorsions que les artistes doivent accomplir pour s’exprimer.
C’est dit : les directeurs artistiques étaient tout sauf artistiques, et encore plus bourrins dans le rock cliché. Alain Bashung était un oiseau trop exotique pour les franchouillards et il fallut les jeux de mots de Boris Bergman pour le sortir de l’ornière (un peu comme Jacques Dutronc avec Lanzman…) Je rappelle que Nino Ferrer s’est flingué.
Car les sixties étaient attardées sur l’hexagone, et Alain Bashung s’accrochait à ses pairs, d’Edith Piaf à Gene Vincent. Il n’a pas peur de citer Aznavour ou Ray Charles comme des incontournables, mais la suite de ses références est tout aussi éclectique comme Link Wray, Arto Lindsay et même Scott Walker (renseignez-vous, ça vaut le coup…)
Bashung, ou la note rare
Quant au « bizarre », à « l’incompréhensible » qui lui collait à la peau, il s’agit en réalité d’un artiste qui ne prend pas le public pour un con, et qui a trouvé en lui une note rare, des paroles poétiques et décalées, sans genre répertorié par le marketing.
L’autre grande idée de ces entretiens, c’est est que mister Bashung, ne se sent pas donneur de leçons, et pense que les injonctions morales (genre « tu ne voleras point ») sont inefficaces et que parfois il faut jouer le paradoxe Rock’n Roll : sexe, drogue etc. Et que chacun dosera.
Ces propos sont tout en nuances, balancés par un homme détaché, parce qu’il en a vu pas mal dans son parcours du combattant (il a travaillé avec Gainsbourg, Miossec ou Gaëtan Roussel, qui signe la préface…), un artiste aussi capable de citer Moondog, Terry Riley, Tangerine Dream et d’autres minimalistes ou répétitifs. Il désigne aussi, à l’inverse, la puissance du punk (un des derniers grands mouvements culturels) et cite Richard Hell, ou encore Nick Cave.
De toute façon, un mec qui à 13 ans faisait des reprises des Spotnicks est forcément un type pointu et original…parti trop tôt.
Ultime : Alain Bashung. Interviews & conversations. Éditions Nova, textes, recherche et documentation par Bastien Stisi, 175 pages. 16 euros (avec Thierry Ardisson, Arnaud Viviant, Jean-François Bizot, Richard Robert, Philippe Manœuvre, Elisabeth Féret, Stéphane Davet, Franck Vergeade, Victor Hache…)
Bashung, on en parlait également avec Bastien Stisi, qui a compilé ses entretiens, dans Plus Près De Toi.Visuel : (c) Antoine Le Grand