La plateforme de SVOD se fait appartement témoin d’un cinéma d’animation gothique. Il n’y a pas que ses portes qui grincent.
Mine de rien, le cinéma d’animation connaît pas mal de chambardements ces temps-ci. La faute aux plateformes de SVOD qui viennent de confirmer en trois temps la place qu’elles ont prise dans ce domaine.
Il y a d’abord Amazon prime qui s’est emparé du quatrième volet d’Hotel Transylvania, mis en ligne depuis la fin de la semaine dernière, la très sympathique licence transformant les grands monstres classiques, de Dracula à Frankenstein en poilante colonie de vacances étant désormais privée de sortie en salles française. Puis Disney qui vient de décider qu’après Soul et Luca, Alerte rouge le prochain Pixar n’y sortirait finalement pas, pour servir d’appâts à nouveaux abonnés pour Disney +, confinant ainsi la société qui avait, depuis Toy Story, créé un nouvel âge d’or du cinéma d’animation en fournisseur de direct to video. Face à ses tractations qui tiennent avant tout de la stratégie mercantile, on en viendrait presque à penser que Netflix joue une carte plus philanthrope avec la mise en ligne, elle aussi en fin de semaine dernière, de La maison. Cela, dit il n’est pas anodin que dans ce film à sketches, il soit beaucoup question de ravalement et de reconstruction.
À vrai dire, il n’est pas une découverte que Netflix se jette dans un gros chantier autour du cinéma animation. Non seulement elle a ouvert un label, Netflixanimation, qui produit en interne des films plutôt réussis, comme La famille Willoughby, mais elle a aussi racheté des films consolidant leur cible jeune public, comme Les Mitchell contre les machines. Mais La maison marque peut-être une étape supplémentaire en s’aventurant sur un terrain plus complexe.
Ce film omnibus s’écarte du jeune public, par une tonalité plus sombre, ou une animation moins lisse. En l’occurence en ayant commandé à quatre réalisateurs européens, cador de la stop motion (autrement dit l’animation de figurines et marionnettes) un triptyque aux airs gothiques, que ce soit celle d’une famille embarquée dans un pacte diabolique avec un mystérieux architecte, un rat aux prises avec toute sorte de vermine ou une chatte qui ne sait pas comment se débarrasser de locataires qui ne paient plus leur loyer.
Une combinaison qui envoie le Wes Anderson de Fantastic Mr Fox ou des personnages à la Aardman, les créateurs de Wallace & Gromit dans les labyrinthes anxiogènes d’un Polanski voire d’un Lynch. Sans compter des invocations des univers de Michel Gondry ou Tim Burton. Le tout, manquant peut-être un peu de lien entre les segments – hormis leur décor commun de la maison du titre – rien ne les rattache totalement, mais absolument pas de cohésion dans l’aspect cauchemardesque ou névrotique. Et encore moins dans l’absolue perfection de l’animation. Ainsi les poupées de tissus du premier segment peuvent devenir de chagrin, ou la mélancolie du dernier se refléter dans les billes qui servent d’yeux à son personnage principal. Rien ne dit pour le moment si cette embardée vers une zone intermédiaire du cinéma d’animation entre fable grinçante pour ados et appel du pied vers un public plus adulte, la Maison Netflix s’est offerte un imposant étage supplémentaire.
La Maison. Depuis le 14 janvier sur Netflix.