Trois ans après son dernier passage dans le Bordelais, à l’occasion de son spectacle Fúria, la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues et sa Companhia de Danças reviennent sur la scène du Carré-Colonnes avec une œuvre qui met en avant, obstinée, irréductible, la puissance incantatoire des cultures afro-indigènes brésiliennes. En invoquant, en premier lieu, les encantados du titre, ces entités animistes, fantastiques, flottant entre deux mondes, capable de puiser des facultés rhizomatiques de fusion, de métamorphose, de devenir-autre avec tout organisme vivant.
Lia Rodrigues hisse cette figure à la présidence exemplaire d’une cérémonie écolo-chorégraphique, festive, féministe, décoloniale, sorcière. Une catharsis colorée et militante pour conjurer les malheurs, le drame à nos portes, l’Amazonie en cendres et la politique couleur brun-et-kaki – confer, Bolsonaro et consorts.
Après un premier quart d’heure où les choses s’ébauchent, se mettent en place, Encantado donne ensuite libre cours à sa fantaisie chamarrée, galvanisante : celle d’un carnaval débridé et poignant, visuellement somptueux, porté par les onze danseur.ses, de toutes formes, genres et couleurs, qui dessinent, sous les motifs imprimés de leurs tenues bigarrées, une véritable célébration collective du collectif.
Une sarabande de danse povera, tant dans le propos (une défense des populations impécunieuses, racisées, ostracisées) que dans ses dispositifs scéniques (qui tiennent dans quatre valises, comme Rodrigues l’a confié à nos collègues des Inrocks), qui essaie de penser, de panser le désenchantement chaotique et cynique du monde en lui opposant un réenchantement tout aussi chaotique mais où affleurent sincérité, fraternel et spontanéité.
Pour quiconque entend se rallier à cette danse amazoniaque, enchanteresse et multidimensionnelle, les places se dégotent, non pas au détour d’une souche de sempervirent, mais ici-même, grâce au mot de passe Nova Aime.