Elle exerce un droit conféré à tous les citoyens français.
Pendant six ans, la journaliste Camille Polloni a mené une bataille administrative. En 2011, elle tente une expérience et demande à l’État français tous les fichiers de police, de gendarmerie et de renseignement qui la concernent. La journaliste exerce ainsi un droit conféré à tous les citoyens français, et le processus la mènera au tribunal administratif, puis à la cour administrative d’appel, et, pour finir, au Conseil d’État.
Ce « droit d’accès » est défendu par la Cnil (la Commission nationale de l’informatique et des libertés) qui l’accompagne dans ses démarches. Dans deux articles, publiés en 2014 et en 2015 sur Rue89, elle a détaillé ce long processus légal. Elle l’entame par curiosité, par envie de « mettre à l’épreuve un droit prévu par la loi mais rarement exercé », mais aussi pour vérifier que ses sources sont protégées, car elle se spécialise dans les questions de police-justice.
« Il m’est arrivé trois ou quatre fois de surprendre une filature ou d’être prise en photo pendant un rendez-vous professionnel avec des personnes vraisemblablement surveillées. Ces épisodes ont-ils laissé une trace écrite quelque part ? Laquelle ? », s’interroge-t-elle dans un article publié sur Les Jours le 10 novembre.
« Il y avait donc quelque chose, et quelque chose d’illégal »
Ce 8 novembre, Camille Polloni a bel et bien obtenu confirmation qu’elle était fichée par les renseignements militaires. Mais pas de la manière la plus attendue. En effet, le Conseil d’État vient de demander la destruction desdits fichiers, sans même lui laisser le temps d’y mettre le nez. La raison : ces données ont été collectées illégalement. Selon la procédure, l’institution enjoint donc la ministre des armées « de procéder à l’effacement des données concernant Mme Polloni illégalement contenues dans les traitements de données nominatives de la direction du renseignement militaire ».
« Il y avait donc quelque chose, et quelque chose d’illégal », écrit Camille Polloni sur lesjours.fr. Pourtant, malgré l’atteinte faite à ses droits et à sa liberté, la loi n’oblige pas le Ministère de l’Intérieur à transmettre ses dossiers à la journaliste. À vrai dire, la loi – la loi sur le renseignement de 2015 pour ne pas la citer – conforte le ministère dans son silence, selon la journaliste. Après six ans d’acharnement administratif, c’est une semi-déception pour Camille Polloni, qui assure qu’elle ne manquera pas de « saisir une nouvelle fois la justice ».
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