Ah, le Japon … Nova vous en causait, en long, en large, en travers, au détour d’une virée dans sa capitale, il y a quelques années. Ses interminables journées de boulot productivité zéro virgule pas-grand-chose, ses ramen, ses monstres géants, ses trains en lévitation magnétique, ses fantastiques pépites pop (Shintaro Sakamoto, YMO, Sachiko Kanebonu, et puis cette ribouldinguerie de « Funky Shammy »), ses mots aux nuances intraduisibles. Et, dans un registre plus précieusement réglementé, ses arts ancestraux, de l’ikebana au kodo, en passant par la cérémonie du thé ou le célébrissime origami.
Un inventaire d’arts multiséculaires auquel il convient d’adjoindre le kyudo. Cette pratique traditionnelle, cérémonielle, du tir à l’arc, pratiquée par des femmes, la chorégraphe Mylène Benoît l’a découvert une nuit étoilée de 2017 sur les pentes du Mont Higashiyama, lors de sa résidence de création à la Villa Kujoyama – le pendant nippon, kyotoïte, de la Villa Medicis romaine.
Un lustre a passé, avec toutes ses chandelles. Le souvenir de cette expérience, de cette découverte a été métabolisé, concentré en une création, dansée à La Manufacture : Archée. Un terme polysémique désignant la portée d’un arc, comme l’une des premières formes de vie terrestre ; arkhè, l’origine, le commencement. Un spectacle pour sept interprètes, sept femmes, célébrant leur puissance retrouvée, quasi chtonienne, en jouant d’une corde légèrement différente par rapport aux Guérillères incarnées sur cette même scène, la semaine dernière ; plus originelle que sécessionniste, Archée prend pour motif une liturgie sacrée, ramenant au premier plan contemporain les corps et les voix féminines, « arme de connaissance, outil de relation perpétuelle au monde » (dixit Mylène Benoît) que les patriarcats ont longtemps mis sous le boisseau.
Escortées par deux musiciennes live, l’électronicienne Annabelle Playe et la violoncelliste Pénélope Michel, le groupe (dont la distribution internationale – Chili, Israël, Suède, Taïwan – donnerait de l’urticaire à tou.te.s les Zemmour et Le Pen) répond et répand ses mots exhumés par-delà les cloîtres, martèle le métal, décoche ses flèches, se peinturlure, modèle et remodèle inlassablement ses mouvements. Des rituels et des expériences qui en imposent, qui ne manquent pas de majesté, rendant à l’hâtivement étiqueté deuxième sexe ses caractères, ses apanages guerriers, singuliers, solaires (levants ?).
À ce spectacle, votre radio préférée (du moins, on l’espère) vous en offre des places, right here, right now, avec le mot de passe Nova Aime.
Archée, de Mylène Benoît, le jeudi 7 avril à 20h @ La Manufacture (Bordeaux).