« Des albums inégaux, avec des morceaux géniaux et des bouses ».
Il y a dix ans, en 2007, Jean-Baptiste Guillot (désormais plus connu dans le milieu sous le nom de « JB Born Bad »), frustré par un poste de directeur artistique chez EMI qui l’ennuie à crever et où il a l’impression de passer son temps à faire de l’oseille pour le grand patronat, fonde Born Bad Records, un label qui n’a d’autre intérêt, dans les premières années du moins, que de se faire plaisir, et de se rapprocher d’une certaine idée de liberté, à mille lieux de ce qu’il trouve alors chez les grosses majors qui font plier l’industrie sous leur poids imposant.
« Des albums inégaux, avec des morceaux géniaux et des bouses »
Frustration, d’abord (le nom, dix ans après, paraît tellement évocateur…), via le magistral mini album Full of Sorrow (post-punk/cold-wave qui tabasse) rejoint les rangs de cette entité qui se positionne en marge de ce qui paraît parfaitement convenu. Une centaine d’autres disques sortiront, souvent illustrés par l’artiste belge Elzo Durt, via une structure qui refusera toute idée de frontière, sociale, géographique, de genre (tant que c’est punk, dans l’esprit, c’est ok), lui qui se lancera autant dans la signature de cold-wave crado (Violence Conjugale) que de garage bruyant (Catholic Spray), de yéyé moderne qui se chante en Français (La Femme, Alex Rossi), de post-punk qui tâche (Cheveu, Usé), de pop qui s’enfume (Dorian Pimpernel) ou qui s’étiole (Forever Pavot). Beaucoup de rééditions aussi, toujours déroutantes, toujours judicieuses (du Camerounais Francis Bebey aux Jeunes Gens Modernes, en passant par cette réédition improbable de french Boo-Galoo). « Des albums inégaux », assume-t-il, qui contiennent autant « de morceaux géniaux » que « de bouses ». Pour tous les goûts.
« Moi la virtuosité en musique, ça m’ennuie »
« Avec le label, j’ai toujours été vers ces artistes un peu besogneux, un peu laborieux, qui viennent de nulle part, et qui vont se révéler au fil des années. Et ça c’est les groupes que je préfère. J’aime pas le talent chez les gens quand il est trop présent, trop évident, trop là. Moi la virtuosité en musique, ça m’ennuie. À ce moment-là, t’écoutes les suites de Bach et t’attends la mort ! Puis tu te retrouves à parler que de Leonard Cohen ou du Velvet Underground ! Ces gens m’ennuient ! »
Dans un documentaire soigné par les équipes de Culturebox, le fondateur insoumis de cette maison de disques indispensable raconte comment Born Bad est devenu, en une décennie et aux côtés d’autres (le label Pan European Recording, notamment), une référence absolue sur le terrain de la musique indépendante, en France. Une histoire qui rappelle aussi une évidence : être punk, ce n’est pas jouer de la musique très forte. C’est être libre.
Le docu s’appelle Mauvaises Graines. Et il défonce.
Visuel : (c) Elzo Durt