Contre-culture rétro et mondanités creuses.
Bob Colacello était l’homme de confiance et, comme les autres, la victime de Warhol et aussi son manager, relations publiques et directeur du magazine Interview dans cette période 70.
Warhol : ange et démon de l’underground
Holy terror, Andy Warhol confidentiel, qui sort pour la première fois en France aux Éditions Séguier, est donc un récit interminable des tracas et disputes autour d’Andy Warhol, ange et démon de l’underground, de son obsession pour l’argent, les gens riches et puissants, et sa quête permanente de la notoriété et du succès.
Bien sûr, les étapes de cette saga révèlent l’évolution d’une petite bande, d’un état d’esprit pervers et décadent, extrêmement dévolu à l’argent, l’homosexualité, la provocation…et les moyens de vendre n’importe quoi dans cette optique, et de s’introduire partout.
Les rituels de Warhol sont ultras répétitifs : invitations à obtenir et à rendre, vente frénétique de portraits, enregistrement quotidien de gens plus ou moins connus, Polaroïds et films, shopping et médisance !
Passée la période vraiment novatrice (1966-1973), il faudra ensuite faire rentrer de l’argent pour pouvoir promouvoir en permanence l’esprit warholien, trouver des idées d’images (sérigraphies), de photos, de films, d’articles, de portraits, d’échanges ou même de copie.
Un entourage pressé, vampirisé, exploité…
Il ressort que tout l’entourage d’Andy Warhol fut pressé, vampirisé, exploité à fond par un maître mutique et fuyant, mauvais payeur, acheteur d’idées à bas prix, ne cessant de fouetter sa petite troupe pour plus de rentabilité. On est loin du glamour…et les ragots et jalousies vont bon train.
Le système des peintures en séries, grâce aux photos et sérigraphies, va à la fois rapporter mais aussi faire perdre toute qualité ou rareté à l’œuvre. La course à la vente de portraits par tous ceux qui espéraient une commission a un côté pieds nickelés, réjouissant de muflerie et de sans-gêne. Sans compter la radinerie d’Andy Warhol lui-même et de ses clients.
Au milieu d’un bain culturel étrange, fait de vieilles stars hollywoodiennes et de médisances permanentes, rappelant la curiosité malsaine des paparazzis et des éditorialistes du demi-monde, défile une galerie de personnages perdus, mi-underground, mi-pathétiques.
Ajoutez une poignée de couturiers, de mannequins, d’escrocs, de brutes, de dandys et de travestis et vous avez le casting des seventies, méthode Warhol, pour la chasse aux people « Rich and Famous…»
Après les débuts difficiles entre pub, vitrines et illustrations pop vers 1963, puis une montée en puissance graduelle, un deuxième souffle arrive vers 1977 avec Punk, Disco et Club 54, qui achèvera d’épuiser tous ceux qui se sont livrés à cette course folle.
Le « Colaccelisme », religion, hautement sadomaso
Cet énorme récit, presque un calendrier est un exercice de diplomatie : Colacello s’y livre avec subtilité, égratignant, mais pas trop, révélant, mais à moitié, la part sulfureuse de l’époque, avec quelques orgies homos masculines ou Andy le voyeur raflait des images lesquelles, recadrées et solarisées, feraient des toiles osées pop !
Bref le « Colaccelisme » est une religion, hautement sadomaso, où on peut à la fois haïr et aimer la même personne, le bien nommé Drella, méchante fée d’un underground en vrille par excès de mondanités.
Amen à ce drôle d’oiseau, qui a réussi à imposer un art fictionnel, basé sur l’illusion mondaine.
Et pour ceux qui veulent y voir un peu plus clair sur les années 70, Bob Colacello et son témoignage de 1 000 pages (de 2014) sur Andy Warhol, la Factory et le magazine Interview, est traduit.
Holy terror, Andy Warhol confidentiel, par Bob Colacello, Éditions Séguier, 976 pages. 26 euros (plein de photos n&b à l’intérieur).
Visuel en Une : (c) Getty Images /Hulton Deutsch