L’âge d’or du psyché, de la funk et du disco, avant la révolution islamique.
Depuis cinq jours maintenant, l’Iran connaît un mouvement de contestation antigouvernementale de grande envergure. Le plus grand depuis la Révolution verte de 2009, juste après la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. Protestations contre les difficultés économiques et le régime et opposition au régime sont au cœur des enjeux de rassemblements qui ce sont aujourd’hui propagés à une quarantaine de villes.
Mouvement des œufs
Depuis jeudi on peut au moins déplorer vingt-et-un morts. Le mouvement qui a pris le surnom de « Révolution des œufs » – car il ciblait à l’origine des annonces d’augmentation du prix de l’essence et des œufs – a pris, aujourd’hui, une tournure plus politique.
Pour tenter de limiter l’ampleur des manifestations, l’accès à Internet et aux réseaux sociaux a été restreint par intermittences depuis ce week-end. Dimanche après-midi, l’accès à la messagerie cryptée Telegram, très utilisée en Iran, était limité.
En marge de ces évènements, Libération publie aujourd’hui un très bon reportage qui illustre par la musique, la répression des mœurs susceptibles d’alimenter les soulèvements que connaît l’Iran en ce moment.
En effet, toute une partie de l’histoire musicale de l’Iran reste aujourd’hui cachée et secrète car rendue interdite par la révolution islamique. Cette période musicale s’étend de 1967 à 1978, et les disques produits alors se mâtinent d’influences occidentales aussi bien soul que funk. Ces sons s’imbriquent dans la musique traditionnelle iranienne et le chant en farsi. Et il y a là des trésors incroyables à écouter. Seulement, depuis la révolution de 1979, c’est « le ministère de la Culture et de l’Orientation islamique » qui est en charge d’autoriser ou non les productions culturelles et de les passer au filtre de la « chasteté publique », comme le rappellent Marion Armengod et Franck Haderer dans leur papier. C’est uniquement cette institution qui arroge les possibilités d’enregistrer un disque ou de se produire en concert. Aujourd’hui, la musique occidentale, qui avait imprégné les disques iraniens dans les années 70, est interdite en Iran jusqu’aux compositions les plus contemporaines.
Quelques mélomanes parviennent pourtant à faire revivre quelques-uns de ces morceaux de cette époque dorée désormais interdits à l’écoute et à la vente.
Des labels mènent des rééditions importantes, comme Folkways qui publiait déjà des albums à l’époque, ou bien Now-Again et le rock psyché de Kourosh Yaghmaei dont la musique est interdite en Iran depuis 1979 mais qui continue d’enregistrer des disques. On pense aussi au micro label parisien Collapsing Market qui rééditait récemment des œuvres du compositeur Morteza Hannaneh. On pense aussi aux travaux de compilation comme celle de Finders Keepers Records parue en 2009 ou bien la compilation de Pharaways Records où on entend même une reprise de « You Really Got Me » des Kinks.
Des DJ se lancent dans cette ambition, comme le producteur et DJ Kasra V, animateur d’une émission sur NTS, né en Iran et vivant aujourd’hui à Londres, qui avait exploré ces disques rares dans un mix à retrouver ci-dessous.
Enfin le récit de ces sessions de digging à Téhéran est à retrouver par ici. Tandis qu’un mix s’écoute ci-dessous avec les morceaux achetés là-bas et miraculeusement rapportés ici, un véritable travail d’archéologue musical.