Un lycée des beaux quartiers parisiens ouvre ses portes à des élèves de banlieues via une section de Hip-Hop.
La parole et le geste. Il fallait une époque sociale et politique aussi trouble que celle d’aujourd’hui en France pour se rendre compte de leur importance. Et il est sans doute la moindre des choses que ce soit par l’image, support médiatique qui a pris le plus d’importance, jusqu’à tout recouvrir, tout banaliser que cette prise de conscience se manifeste. Allons enfants, le nouveau documentaire d’Alban Teurlai et Thierry Demaizière, prend la chose à bras le corps. Littéralement, en suivant au gré d’une année deux classes de la section « Danse urbaine » du lycée Turgot à Paris. Rien que cet énoncé pose bien l’importance des mots. À Turgot, on dit donc danse urbaine. Dans les coins de banlieues d’où viennent les élèves suivis par Allons enfants, on dit «Hip Hop ». Toute la différence entre un milieu qui s’affirme comme élite, et celui des classes populaires est déjà là. Pour autant c’est bien une passerelle qui est soutenue dans ce documentaire. L’enjeu narratif en sera un concours de battles inter-lycées, mais c’est plus encore l’ébauche d’un dialogue entre ces deux mondes qui se joue ici.
Il est arbitré par l’un des grands manques de la toute fraîche campagne électorale : un programme pour la culture comme moteur d’intégration, d’émancipation et pourquoi pas d’excellence. Voire donc de cours de rattrapage pour des ados mal partis dans leur histoire, faute de n’avoir pas grandi au prétendu bon endroit.
Dans Allons Enfants il y a deux corps : ceux des élèves et ceux d’un corps enseignant bienveillant
Plus encore que les figures de coach de vie que deviennent un prof de sport et un proviseur, c’est bel et bien cette articulation qui fait véritablement office d’expérience pédagogique. Teurlai et Demaizière la confortent en donnant aussi, et beaucoup, la parole à ces ados, se livrant avec un beau naturel sur le véritable choc de culture sociale qu’ils vivent au gré des mois dans ce lycée. Evidemment, en se propulsant ainsi dans un univers rappelant Fame, mais si, souvenez-vous du film et de la série des années 80 sur un collège artistique américain qui prend des atours parfois trop idylliques comparé au champ de bataille sinistré qu’est actuellement l’enseignement.
Mais rien de grave. Allons enfants revient toujours à une réalité plus souhaitable qu’une directive de Blanquer : la possibilité qu’à le système scolaire, s’il s’en donne l’envie et les moyens humains, de ne plus oublier que tous les enfants sont ceux de la république. Ce documentaire s’ouvre sur un prof qui demande aux élèves de se rapprocher pour former un cercle. Plus tard, il les réunira de nouveaux pour leur affirmer, mot pour mot, qu’ils sont ici « chez eux » et peuvent revenir quand ils le veulent. Cette parole et ce geste-là valent bien plus que la marseillaise remixée en guise de générique de fin, quand ils réajustent pleinement la devise gravée au fronton des écoles pas mal encrassée ces temps-ci par une paranoïa identitaire pour un « liberté, égalité, mixité ».