Ce n’est pas l’anniversaire d’un album que l’on célèbre aujourd’hui, mais celui d’une œuvre majeure du cinéma : « Bagdad Café » de Percy Aldon.
Soufflons donc les 34 bougies d’une des œuvres majeures du cinéma des années 1980. Aussi inattendue à l’œil qu’à l’oreille, qui vous attrape par les sentiments comme un jus de citron vous laisse les papilles intranquilles… Un succès qui n’aurait pu être prédit par personne, tant l’affiche semblait crier au film d’auteur qui fera 50 entrées. Une réalisation signée de l’allemand Percy Aldon, alors totalement inconnu sur la scène internationale.
Un film réalisé avec budget modeste, c’est le moins qu’on puisse dire. Et un pitch qui présente une bande d’anti-héros, dans une mise en scène qui laisse les premiers rôles à la lenteur et au silence. Déjà, le héros est une héroïne. Une grosse dame, à une époque où on les voyait rarement déborder d’un 38. Et loin d’avoir la trajectoire remarquable des schémas narratifs, le film commence par une scène de ménage. En allemand qui plus est.
Dans la sueur ensablée, le vent poisseux du désert Mojave, sur la route 66. L’héroïne part avec la mauvaise valise. Celle de son mari, avec qui elle visitait les États-Unis en touriste. Elle marche, sur cette route longue, si longue, qui semble ne jamais s’arrêter nulle part.
Rien à droite, rien à gauche. Ah si, un motel délabré. Crasseux. Un panneau… Le Bagdad Café. Un café qui n’a plus de café. Une pauvre bâtisse au milieu de rien. Un client de temps en temps. Un ou deux locataires à l’année. Et un accueil glacial, pour ne pas dire malveillant. On ne veut pas d’elle. On ne veut pas d’une nouvelle. On ne veut pas d’une différente.
Place aux silences. Le temps qui passe et la poussière lourde des fins de journées trop chaudes.
C’est l’histoire d’une amitié, qui n’aurait eu aucune chance d’exister sauf dans ces circonstances exceptionnelles. Une amitié dont on ose à peine rêver. Brenda, la propriétaire des lieux, à vif, autoritaire, désabusée. Et l’étrange Jasmin Münchgstettner, bavaroise candide et énigmatique. Les deux femmes trouvent le moyen de briser tout ce qui aurait pu les séparer, culturellement et socialement. Pour s’associer, et redonner vie au Bagdad Café.
Autour du motel, gravite donc une galerie de personnages. Loufoques, parfois dérangeants, attachants malgré tout : peintre, tatoueur, « truckers », routards, paumés, artistes, saltimbanques et autres originaux…
C’est l’Amérique des laissés pour compte qui est filmée ici. Dans un rythme et une mise en scène classique, travaillée de multiples effets de style qui contribuent au pouvoir de fascination de l’œuvre : filtres, caméra penchée, poses arty ont plutôt résisté aux effets de mode et au verdict des années. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les 2 300 000 spectateurs français furent surpris à l’époque. Tout comme le César du meilleur film étranger attribué au film !
Je vous propose d’écouter un extrait de la bande originale de Bagdad Café, devenue aussi culte que le film, l’entêtant « Calling You » par Jevetta Steele…