Une nouvelle condamnation, qui semble pour l’instant avoir peu de répercussions.
C’est la quatrième fois en moins d’un an. Le 23 février un juge a condamné la préfecture des Alpes-Maritimes pour avoir reconduit 19 mineurs étrangers à la frontière italienne. Parmi eux, notamment, un Éythréen de 12 ans. L’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) avait saisi le tribunal administratif de Nice. Celui-ci enjoint désormais le Préfet de retrouver le jeune garçon en Italie, et de lui fournir un sauf-conduit qui lui permettra de bénéficier des services de la protection de l’enfance en France.
Trois condamnations similaires avaient déjà été prononcées contre le préfet Georges-François Leclerc. La préfecture, selon Médiapart, a déclaré qu’elle ne ferait pas appel mais « prend acte » de ce qu’elle considère comme une « mesure conservatoire ». Sans pour autant se prononcer sur l’illégalité dans laquelle elle place l’État français en refusant l’entrée sur le territoire à des mineurs isolés dont les droits sont pourtant protégés par la Convention internationale des droits de l’enfant qui stipule que « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’État et ce sans distinction de nationalité ou d’origine ».
En signe de protestation, plusieurs associations ont organisé les 17 et 18 février derniers un week-end de mobilisation. Des avocats français et italiens, ainsi que des militants associatifs et des traducteurs se sont placés en observateurs à la gare de Menton-Garavan et à la Police de l’air et des frontières de Menton-Pont-Saint-Louis. Des arrestations et refoulements ont été constatés, comme ils l’avaient déjà été (et rendus publiques) l’été dernier dans une vidéo publiée par l’association Roya Citoyenne.
« Délit de solidarité »
À l’origine de cette vidéo, notamment, l’agriculteur Cédric Herrou, devenu symbole dans la lutte pour la défense des droits des exilés. Il a été condamné le 8 août dernier à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé 200 migrants à traverser la frontière italienne par la vallée de la Roya. Son cas n’est pas isolé. Le procès de Martine Landry, 73 ans, responsable d’Amnesty International à Nice, est également en cours. Elle est accusée d’avoir fait « convoyer pédestrement » deux migrants vers la France en juillet dernier. Elle risque cinq ans d’emprisonnement. « Je les ai pris en charge à la frontière même, au panneau “frontière”, pas avant, et je les ai conduits à la PAF – la police aux frontières – à pied et j’ai demandé, comme c’est la loi, d’appeler l’aide sociale à l’enfance pour qu’on vienne les prendre en charge », expliquait-elle à France Inter et plus récemment, à Konbini.
Communément appelé « délit de solidarité », cette multiplication des condamnations de l’aide aux migrants dépend en fait de plusieurs articles dans plusieurs textes de loi. « Le délit de solidarité n’existe pas dans la loi », expliquait récemment à Public Sénat la sénatrice écologiste Esther Benbassa, qui cherche à faire supprimer lesdits articles. « C’est une expression qui a été adoptée par des associations et ensuite portée par le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s) pour parler des personnes qui sont réprimées, parce qu’elles aident les étrangers en situation irrégulière par générosité, par conviction ou pour des raisons humanitaires. » Point positif, le gouvernement Valls, en 2012, avait exempté les actions humanitaires et désintéressées du « délit d’aide au séjour irrégulier ». Mais force est de constater que certaines brèches législatives permettent encore de condamner les personnes solidaires. En ce qui concerne Cédric Herrou, par exemple, il s’agit d’aide à l’entrée sur le territoire, et non d’aide au séjour. Il n’est donc pas exempté par la loi Valls.
Prouver son âge
Lorsque des mineurs isolés réussissent à entrer sur le territoire français, sans être refoulés comme c’est le cas en gare de Menton-Garavan, ils sont souvent confrontés à la demande de l’État français de prouver leur âge. Premier obstacle : pour ce faire, ils doivent se rendre dans un commissariat, ce à quoi beaucoup d’entre eux se refusent. Second : ils ne seront pas forcément reconnus comme mineurs, même s’ils le sont. C’était l’objet d’un reportage en trois parties réalisé par Olivia Müller et diffusé sur nos ondes le 14 février dernier, lors d’une journée dédiée aux exilés.