Le nouvel album de Seun Kuti conte sa propre histoire, de manière universelle.
C’est terrible de devoir toujours commencer par parler de son père lorsque l’on évoque un disque de Seun Kuti, mais cela permet sans doute de faire comprendre comme le cadet de la famille a su prendre la mesure du poids de l’histoire. Fils de l’immense Fela Kuti, père fondateur de l’Afrobeat avec Tony Allen, et icône absolue à travers le monde depuis son Nigeria natal.
Cet héritage peut être vécu comme un poids difficile à dépasser, même si Seun Kuti a déjà prouvé son talent musical, sa virtuosité au saxophone, et son engagement politique infaillible.
Mais de cet héritage il a fait sa force plutôt que de la fuir, d’abord en reprenant le flambeau à la tête du groupe de son père Egypt 80 ensuite en faisant résonner ce patronyme pour toutes les bonnes raisons. Et ce patronyme fait encore un pas en avant avec le nouvel album du fils : Black Times.
Pour Seun Kuti il a fallu reprendre la lutte exactement là où son père l’avait laissée, car pour lui rien n’a changé dans la représentation politique, il estime être toujours dirigé par des personnalités qui n’investissent pas dans l’humain mais ne croient qu’au business.
Mais cette critique ouverte du gouvernement ne se retrouve pas explicitement dans sa musique, qui est elle pensée comme un chant d’élévation, dans son disque Seun en appelle aux enfants du Nigeria à se tenir debout ensemble : « Are you ready to rise ? To be free ? » scande-t’il aux côtés de Carlos Santana. Quand la musique frappe au coeur, elle se veut didactique et porte les mots qu’on entend nulle part ailleurs.
Mais pour se faire entendre au maximum, Seun Kuti n’y va pas par 4 chemins, son disque est ainsi produit par Robert Glasper, rien que ça. Et c’est par ces choix artistiques qu’il apporte sa touche au sein d’un groupe qui l’a vu naître et grandir. Tout le monde s’investit créativement pour suivre le cap que donne le capitaine.
Avec beaucoup de sonorités modernes, ce disque est l’affirmation d’un musicien dans un héritage, mêlant l’afrobeat à des inspirations du monde entier, de la samba au rock. Puisqu’il n’a jamais renié la figure tutélaire du père, on commence définitivement à voir le visage de Seun en surimpression de celui de son papa.