Là où le silence est roi, au Groenland, le producteur français a ramené un album rare.
Cinq semaines sur un chalutier, égaré au coeur des mers de l’Atlantique Nord. Des vagues couvertes d’écume, des bruits d’orages bruyants et de tempêtes iodées, et les murmures de la mer, captées par l’oreille attentive d’un navigateur, qui a également la particularité de s’avérer être producteur (Romain Delahaye, alias Molécule), parti des environs de Saint-Malo jusqu’à très haut, là où rien n’a encore été modifié, à la source du son en pleine mer.
L’expédition sonore de Molécule avait donné lieu à un album, 60° 43 Nord (paru chez le très libre label Mille Feuilles, qu’il a créé), mêlant field recordings et musique électronique (techno et electronica surtout). Une oeuvre discographique pleine d’une audace véritable. C’était il y a trois ans, et que ce soit dans la cale humide d’un bateau comme dans la cave bruyante d’un club, la recette fonctionnait alors parfaitement.
L’Atlantique, puis l’Arctique
Convaincu par ce périple atlantique, Molécule a repris, il y a quelques semaines, la route des chemins sans béton. Embarqué, cette fois, pour la banquise du Groenland et du territoire arctique, afin de capter, là encore, toute la virginité délicate d’un territoire encore largement inexploré. Trente-six jours au milieu des glaciers, des inuits et des ours polaires à la recherche de nouvelles sonorités, et d’un élément insaisissable : le silence, lui qui, rappelait-il dans Plus Près De Toi, n’est qu’un fantasme. « Le silence ça n’existe pas, c’est un concept ».
Romain : « J’ai passé cinq semaines dans l’est du Groenland en plein hiver 2017, dans un petit village de chasseurs, totalement isolé du reste du monde. J’ai vécu là parmi 80 personnes et 300 chiens de traîneau, avec à peu près quatre heures de lumière du soleil par jour. La seule idée que j’avais avant mon départ était la volonté de composer avec le silence. J’ai passé mes journées à enregistrer les sons de mon environnement : le souffle de la banquise, les craquements des icebergs, les hurlements des chiens de traîneau, le silence polaire… Pendant les nuits, dans une petite maison que j’ai transformé en studio de musique, j’ai utilisé ces sons pour créer la musique de l’album -22,7°C. »
Cette ambiance, pesante et reposante, rare et miraculeuse pour un Occidental du XXIe siècle, Molécule la retranscrit donc sur un nouveau disque dominé par quelques morceaux parfaits, qu’il s’agisse de « Sila » (l’idée de « nature » ou « d’esprit » en Groenlandais), d’ « Âriâ », de « Délivrance », ou du très long « Inlandis », qui termine l’ambiance avec fureur, et silence, comme un résumé, synthétique, de ce qu’aura été ce voyage, mené au bout d’un monde encore si peu connu. Reste à savoir, désormais, où ce producteur exigeant et immensément talentueux posera ses outils la prochaine fois que l’occasion lui sera proposée. Les paris sont ouverts, allez-y.
L’album de Molecule est disponible chez Because Music. Il est également à voir ce jeudi à l’Elysée Montmartre, et puis bientôt, en Nuits Zébrées à Nantes.
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Visuels : (c) Vincent Bonnemazou