Quelque part sur l’Océan Indien… Les yeux rêveurs et cernés, le sourire aux lèvres, le teint hâlé et des tonnes de rencontres enregistrées dans mes micros !
LE IOMMA
Je reviens d’une semaine à La Réunion dans le cadre du Iomma (Indian Ocean Music Market), le plus important marché des musiques de l’Océan indien, et du festival Sakifo qui fête ses dix-huit ans d’existence. Imaginez-moi me perdre dans ces paysages à la nature luxuriante et dans les dédales des rues de ces villes où les véritables trésors sont leurs habitants et leurs richesses culturelles et musicales.
Lundi 30 mai, 7h du mat’, onze heures de vol, après avoir visionné quelques films kitsch pour passer le temps, l’atterrissage pour mon plus grand soulagement s’est bien passé. J’ai foulé le tarmac et je me suis dit « ça y est, j’y suis ! La Réunion ! Terre de maloya, de poésie et de créolité, de forêts endémiques ou de rougail saucisse« . Un trajet en bus en partant de Saint-Denis et me voici à Saint-Pierre, charmante ville portuaire au sud de l’île intense.
À peine arrivé au Lindsey Hôtel en compagnie de différents professionnels, je ne vous cache pas mon excitation du fait de voir rugir l’Océan et surtout de ce qui m’attend au Iomma. Des conférences sont au programme pour découvrir l’île Maurice ou sur la visibilité des femmes dans la filière musicale. La journée s’enchaîne sur les premiers showcases. La zone de l’Océan indien est dignement représentée avec ses différents acteur-trices et musicien.nes. L’occasion de découvrir les chanteuses kényanes Gargar associées au producteur franco-algérien Kasbah. La transe prend rapidement place et s’amplifie avec le maloya métissé et habité du groupe réunionnais Saodaj. On termine ce premier jour sur un mélange de hip-hop, funk-rock et tsapiky savamment orchestré par la formation malgache Olo Blaky.
https://soundcloud.com/laradionova/depuis-la-reunion-et-le-iomma/s-iAknoLmX0FX?in=laradionova/sets/11h-de-vol-et-decouverte-de-la-reunion-et-du-iomma/s-pMRNY39ejJ4&utm_source=clipboard&utm_medium=text&utm_campaign=social_sharing
Mardi 31 mai : Quel plaisir de se réveiller loin de chez soi en vivant le quotidien de l’endroit où l’on se trouve. L’appel à la prière retentit et se mêle à mes souvenirs musicaux des concerts de la veille. L’odeur des plats pénètre ma chambre, j’entends le bruit des vagues au loin, et je sors presque en courant rejoindre les ateliers du Iomma. L’idéal pour retrouver des activistes telles qu’Aurélie Zémire, dj, curatrice et ancienne programmatrice du festival Electropicales. Elle revient sur la place des femmes dans la filière musicale et sur la singularité des productions sonores des nouvelles générations de La Réunion. Naturellement, la soirée se déroule de nouveau dans la mythique salle le Kerveguen pour découvrir les showcases avec Jim Fortuné, KoMBo! et son maloya ouvert sur le jazz afro-cubain, le dancehall des Seychelles avec Elijah and Warrior Band ou encore le maloya-trap de Fayazer.
Mercredi 1er juin, troisième jour sur l’île, dès le réveil, me voici avec toute l’équipe du Iomma dans un bus, sur fond sonore de Soukous, en direction de l’est pour Saint Benoît. On découvre deux salles mythiques de la ville, le Bisik et le théâtre les Bambous. C’est dans ce dernier que s’est produit l’artiste mauricienne Lisa Ducasse avec sa chanson envoûtante. S’ensuit le groupe de jazz fusion réunionnais Akoda et j’en profite pour rencontrer celui qui se cache derrière le Iomma, Eric Juret alias « Blanc Blanc« . Il insiste sur l’importance de ce marché : « Créer des ponts entre les différents pays qui couvrent la zone de l’Océan Indien, faire interagir musiciens, programmateurs, institutions, tourneurs, afin de mettre en valeur le vivier culturel richissime de cette partie de la planète« .
Après cet échange avant-tout humain, on retourne à Saint-Pierre pour les derniers concerts de la semaine qui résonnent avec les mots employés par « Blanc Blanc » quelques heures plus tôt. Le Mozambique est dignement représenté par l’artiste Radjha Ali, La Réunion et son métissage et ses différentes influences jaillissent des productions sonores de Mouvman Alé. Un groupe qui propose une évolution sincère du maloya en le mariant avec les sonorités électroniques et rock. Et on termine sur une touche mystique avec l’énigmatique berger et chanteur sud-africain Morena Leraba pour un live très spirituel accompagné de percussions et d’une marimba.
Le jeudi 2 juin, on termine ce marché des musiques de l’Océan Indien par notre rituel combo ateliers-conférences-concerts. L’opportunité d’interviewer les talentueux musiciens sud-africains de Urban Village dans un taxi et de nouer une multitude de connexions, et de terminer sur un traditionnel kabar improvisé sur la plage.
LE SAKIFO
Qui dit rencontre, dit rendez-vous ! Dès le lendemain, on se retrouve pour trois jours de festival Sakifo. Cet événement majeur de l’île souffle sa dix-huitième bougie et propose une programmation pointue mêlant les représentants des musiques traditionnelles réunionnaises, la nouvelle génération de l’île mais aussi des artistes internationaux.
J’ai donc arpenté durant 72 heures ce site en bordure de plage pour enregistrer les témoignages de parcours des artistes à l’affiche. La grande voix du maloya Zanmari Baré (son interview ICI), s’est livré sur sa vie et m’a présenté son nouvel album d’une manière humble et touchante. Maya Kamaty m’a raconté son maloya électronique. Tiken Jah Fakoly est revenu sur la singularité de son reggae « Made In Africa » ou encore Madiakanou m’a présenté son mélange de musiques mandingue et de maloya. La force du Sakifo, c’est 5 scènes dotées d’une programmation singulière. La ferveur est présente, la foule est en transe et danse en continu. On navigue entre la scène Salahin pour voir Biga Ranx ou BCUC. On découvre des artistes de l’Océan Indien sur la scène Ti Bird tels que Eat My Butterfly avec sa poésie créole féministe ou le groove de Radio Sechaba. On se laisse naturellement surprendre ou bercer par les concerts de Kristel ou Zanmari Baré sur la scène Filaos. On se rejoint avec un rhum ou une bière sur le côté de la scène Poudrière avant de voir un live mémorable de la diva malienne Oumou Sangaré ou du rappeur sud-africain Stogie T.
Et enfin, on termine la nuit dans l’inoubliable salle verte rappelant les fameux bals poussière où l’on danse jusqu’à l’aube au son des kabars et des musiques expérimentales qui retentissent sous ce chapiteau. Le public retiendra la chaleur et l’ambiance folle des prestations de Aleksand Saya ou de Simangavol Open Live.
Je rentre déjà au bout d’une semaine intense passée sur l’île de La Réunion. J’embrasse mes nouveaux potes, je mange un dernier bouchon au bord de la plage, je rends les clés et je contemple une dernière fois l’Océan Indien. Bon, pas la peine de sortir les mouchoirs, ce n’est que le début d’une longue histoire avec La Réunion.
Nartrouv’ Iomma et Sakifo !