La chronique de Thomas Zribi dans Plus Près De Toi.
Toutes les semaines, Thomas Zribi, journaliste chez Nova Production, fait sa chronique dans Plus Près De Toi.
Je voudrais revenir sur l’affaire Skripal, du nom de cet ancien espion russe victime d’une tentative de meurtre en Angleterre il y a 10 jours, ce qui a provoqué une grave crise diplomatique entre les deux pays.
Skripal, assassinat politique ?
Voici ce qui s’est passé. Le dimanche 4 mars dernier, Serguei Skripal, 66 ans mange au restaurant avec sa fille de 33 ans, dans la petite ville de Salisbury, à l’ouest de Londres, où il vit.
En sortant, ils s’assoient tous les deux sur un banc dans un centre commercial, et perdent connaissance. Un policier s’approche. Lui aussi se sent mal et s’évanouit.
Ils sont tous les trois emmenés à l’hôpital dans un état critique. Et on découvre qu’ils ont été en contact avec du Novichok, un agent innervant, c’est-à-dire qui bloque les muscles jusqu’à l’asphyxie.
C’est un poison extrêmement puissant, un seul contact avec la peau peut être mortel.
On ne sait pas si le poison se trouvait quelque part dans le restaurant, ou s’ils ont reçu un colis piégé à la maison de Skripal.
Peut-être que sa fille, qui venait de Moscou l’a transporté sans le savoir dans ses bagages. L’enquête est en cours.
En revanche pour les Anglais il y a un aspect de cette histoire qui ne fait aucun doute : c’est la Russie qui est coupable, et qui a ordonné l’assassinat de Skripal.
Skripal est un ancien espion russe, qui a collaboré avec les services britanniques, ce qui pourrait être la raison de cette attaque.
Cette affaire nous apprend deux choses.
La première c’est que les services secrets russes, si leur culpabilité est confirmée, n’ont pas changé de méthode pour éliminer des opposants depuis bientôt 100 ans.
Le journal le Monde rappelle qu’en 1921 Moscou crée un laboratoire secret chargé de fabriquer toutes sortes de poisons, en vue de « combattre les ennemis de l’Union soviétique ». Il s’appelle le « laboratoire 1 ».
Et depuis d’innombrables opposants au régime ont été victimes d’empoisonnement, sur le territoire russe et à l’étranger. Pendant l’existence de l’URSS, mais aussi après. Ces assassinats n’ont jamais cessé.
L’affaire du parapluie bulgare
La plus célèbre affaire est sans doute celle dite du parapluie bulgare en septembre 1978. La cible : Georgi Markov, un écrivain bulgare qui a fui son pays pour se réfugier, déjà, au Royaume-Uni. Un soir, il attend le bus pour rentrer chez lui, un homme le pique légèrement à la jambe avec son parapluie. Il s’excuse, Markov passe son chemin. Quelques heures plus tard, il est pris d’une forte fièvre. Il meurt 3 jours après. L’homme était un agent du KGB qui n’a jamais été arrêté. Et le bout du parapluie était empoisonné.
La deuxième chose que nous apprend l’affaire qui a lieu il y a 10 jours, c’est que non seulement, depuis la fin de l’URSS, ces meurtres n’ont pas cessé.
Mais que, plus étonnant encore, il semble que l’Angleterre soit devenue le pays où les opposants russes se font assassiner en série, et toujours avec le même mode opératoire.
La presse britannique a fait la liste. L’affaire Skreli fait suite à plusieurs autres.
Litvinenko, et l’assassinat au Polonium
En novembre 2006. Alexandre Litvinenko, un ancien du KGB, meurt empoisonné par du Polonium, une substance radioactive.
En 2012, Alexandre Perepilichny, un oligarque russe est empoisonné par du Gelsenium, une plante chinoise qui provoque des arrêts cardiaques.
Plus récemment, en février 2015, on découvre que Vladimir Kara-Murza, un opposant politique de Poutine a ingéré une substance toxique et mystérieuse. Il survit, mais il est très affaibli.
Dans toutes ces affaires, la police n’a jamais retrouvé les coupables.
Cela va encore plus loin. Il semblerait que d’autres cibles aient été assassinés récemment en Angleterre, mais cette fois-ci avec des techniques plus discrètes que des empoisonnements. Résultat ces histoires sont passées inaperçues.
Le journal en ligne Buzzfeed a mené une enquête l’été dernier : selon lui 14 personnes installées au Royaume Uni, des oligarques russes, des opposants, ou des anglais qui travaillaient avec eux, ont trouvé la mort ces dernières années dans des circonstances douteuses.
Par exemple, Boris Berezovsky, l’ennemi juré de Vladimir Poutine, qui a été retrouvé sans vie chez lui en 2013, à côté de Londres. L’autopsie a conclu à une mort par pendaison, mais personne n’y croit.
À chaque fois, la police a considéré ces affaires comme « non suspectes ». Même si, il s’agit systématiquement d’opposants à Vladimir Poutine.
Cette semaine l’Angleterre a décidé de réagir.
La première ministre Theresa May a chassé du pays 23 diplomates russes qu’elle soupçonne d’être impliquées.
En parallèle, la ministre de l’intérieur a annoncé la réouverture des enquêtes pour les 14 morts suspectes.
La réaction de Moscou n’est pas surprenante : comme dans toutes les histoires d’espionnage, la base, c’est de ne jamais reconnaître son crime. L’ambassade russe de Londres a parlé d’accusations de la part du gouvernement britannique « hostiles, inacceptables et injustifiées. »