Alors que le monde change façon chaos en cours, L’étrange festival reste fidèle à son credo comme son éthique : faire un état des lieux du cinéma non-officiel.
C’est devenu un rite depuis bientôt trente ans : la fin de l’été se célèbre à l’Etrange festival, incontournable rendez-vous parisien pour quiconque est féru de contre-culture ou simplement curieux d’une cinéphilie moins commune que celle qui s’affiche dans les multiplexes. Pendant une quinzaine de jours, les salles du Forum des Halles s’ouvrent à des cinématographie méconnues ou oubliées, toute réunies sous une même bannière : avoir été reléguées dans les bas-fonds par la culture officielle et sa vision normative des choses. A l’Etrange festival on s’encanaille autant qu’on se cultive au gré de découvertes récentes ou de raretés exhumées. Au delà d’un havre accueillant avec bienveillance tout ce que le cinéma peut avoir d’hors normes. L’Etrange festival est devenu au long des années une sorte de boussole quand sa sélection n’a de cesse de proposer des alternatives au cinéma formaté, lisse qui fait l’ordinaire d’un public qu’il invite sans cesse à quitter ses oeillères.
Et quelles sont donc les réjouissances prévues pour l’édition de cette année ?
Difficile de privilégier l’une ou l’autre des thématiques, puisque que comme à son habitude, L’étrange festival tient presque plus d’une manifestation d’agit-pop contre-cuturelle, ouverte à tous les horizons, redessinant ainsi une mappemonde de cinéma. Ainsi cette 28eme édition est entre autres allée voir autant ce qui se passe du côté de la jeune génération de réalisateurs de films de genre sud-coréens que d’Europe ou d’Asie centrale mais aussi les derniers opus de cinéastes français ayant toujours refusé les terrains balisés, comme Guillaume Nicloux ou Sébastien Betbeder. On pourra tout autant y causer scène musicale post-punk locale ou performance artistique avec les documentaires Who Killed Nancy ou L’artiste à la phalange coupée. Mais aussi découvrir Mike De Leon Mike De Leon, réalisateur philippin aux commandes d’un cinéma aussi ésotérique que politique s’alliant à l’inquiétude du fantastique pour parler autant du poids de la religion que de la lutte des classes. Revenir sur la production populaire iranienne des années 50 à 70, via une rétrospective du cinéma Farsi, dans toutes ses contradictions quand il mettait en scène tous les excès et la prétendue décadence que le pouvoir voulait éradiquer au nom des bonnes mœurs. Ou encore rendre hommage à un oublié de la nouvelle vague japonaise, Masahiro Shinoda, dynamiteur de genre, du film de Yakuza au théatre de marionnettes pour en faire des appels à la rebellion contre tous les ordres établis. Voire s’aventurer dans la part méconnue de la filmographie de Victoria Abril pour rappeler qu’avant d’être une égérie de Pedro Almodovar elle était déjà une actrice provocante et engagée. On en oublierait presque les traditionnelles cartes blanches, cette année offertes à l’ex-pornstar désormais brillante sociologue Ovidie, Dominik Moll dont La nuit du 12 est un des succès surprises du moment ou l’activiste et légende de la musique industrielle Cosey Fanni Tutti. Un menu pantagruélique qui amènerait presque à penser que l’étrange festival porte finalement mal son nom, quand il n’est qu’une invitation à ce qui devrait être une chose normale : savoir être ouvert aux formes et propos transgressifs, plus que jamais nécéssaire dans une époque qui elle devient de plus en plus étrange à force de se soumettre aux pensées grégaires.
Jusqu’au 18 septembre au Forum des images à Paris.