La chronique hebdo de Thomas Zribi, dans Plus Près De Toi.
Toutes les semaines, Thomas Zribi, journaliste chez Nova Production, fait sa chronique internationale dans Plus Près De Toi. La voici.
Je voudrais revenir sur l’ouverture de l’ambassade américaine à Jérusalem lundi dernier et ce qui en a suivi.
C’est une décision prise par Donald Trump lui-même qui a provoqué la colère des palestiniens. Car cela rend impossible selon eux l’idée d’un partage futur de la ville entre palestiniens et israéliens. C’est en réaction à cette ouverture que la manifestation a été organisée à Gaza puis réprimée dans le sang.
Pourquoi Donald Trump a-t-il décidé, contre l’avis de plusieurs de ses conseillers diplomatiques, de déménager cette ambassade américaine qui se trouvait auparavant à Tel Aviv ?
Flatter l’électorat ?
Eh bien selon de nombreux observateurs américains, Trump a voulu flatter son électorat avec cette décision. Non pas son électorat juif, les juifs américains votent massivement pour les démocrates, mais son électorat évangéliste : on ne le sait pas bien ici, mais les évangélistes américains sont les premiers partisans et militants d’un grand Israël. Ils soutiennent tous les mouvements les plus durs de la droite israélienne, ils investissent dans les colonies, et ils dépensent des millions de dollars pour encourager l’immigration juive dans le pays.
À Jérusalem il y a un organisme qui s’appelle Keren Leyedidout, cela veut dire en hébreu « groupe pour l’amitié des juifs et des chrétiens ». Cet organisme récolte environ 250 millions de dollars de dons chaque année qu’il investit en Israël : dans des logements, pour aider les personnes âgées, les nouveaux arrivants, ou les populations les plus pauvres.
En parallèle de son action en Israël ce mouvement fait de la politique : Trump est entouré d’évangélistes, dont son vice-président Mike Pence, qui l’encouragent depuis le début de sa campagne à soutenir toutes les décisions israéliennes les plus dures vis à vis des palestiniens, et notamment le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem.
Si les évangélistes sont impliqués à ce point, c’est qu’ils croient qu’il est en train de se passer là-bas aujourd’hui une prophétie inscrite dans la Bible.
Selon eux, le Messie sera bientôt de retour sur terre. Mais pour qu’il revienne enfin, il faut qu’un certain nombre de conditions soient remplies. Tout d’abord il faut l’instauration d’un ordre mondial satanique. Selon eux ça, c’est fait, l’ONU joue parfaitement ce rôle.
Chute de Babylone = chute de Bagdad
Ensuite il faut des désastres naturels en série, ça aussi, c’est bon. Troisième étape, la chute de Babylone, qui correspondrait pour eux à la chute de Bagdad. Et enfin il faut que tous les juifs du monde reviennent à Jérusalem. C’est à ce moment-là, et seulement à ce moment-là, que le Messie sera de retour.
C’est pour cela qu’ils font tout pour soutenir l’État d’Israël et l’immigration juive dans le pays.
Petit problème : dans leur prophétie, ils prévoient également que le jour où toutes ces conditions seront remplies, les deux tiers des juifs périront dans les flammes, et le tiers restant ne survivra que s’il se convertit au christianisme.
C’est un élément dont ils n’aiment pas trop parler en général en Israël, mais qui a commencé à faire grincer des dents ces dernières années.
La gauche israélienne reproche à ces évangélistes d’envenimer la situation. Et les religieux les accusent d’avoir des arrière-pensées hostiles. Au point que plusieurs rabbins, même proches de la droite, refusent de toucher de l’argent de la part leur organisation.
Tout cela ne dérange pas Donald Trump. Lundi dernier, pour inaugurer l’ambassade, il a invité un pasteur évangéliste pour prier au nom de l’Amérique, en ouverture de la cérémonie.
Ce pasteur s’appelle Robert Jeffress, c’est le patron de la megachurch de Dallas, au Texas, qui compte plus de 12 000 fidèles et qui a également écrit plusieurs best-sellers religieux aux États-Unis.
Il a prié les yeux fermés, habité par ses propos, remerciant Dieu pour ce magnifique moment. Son passage terminé une polémique est née, très rapidement.
La religion musulmane, une hérésie sortie du puits de l’enfer
En fouillant dans son passé, on a réalisé qu’il avait jadis comparé les homosexuels à des pervers partisans de la pédophilie, il a également déclaré que la religion musulmane était « une hérésie sortie du puits de l’enfer », et enfin que les juifs ne pourraient être sauvés de l’enfer que s’ils se convertissaient au christianisme.
Trump aurait pu choisir, pour l’occasion, un homme moins extrémiste, mais il s’en moque sans doute. Ce ne sont ni les homosexuels, ni les musulmans, ni même les juifs qu’il souhaitait séduire avec cette inauguration mais bien les évangélistes.
Aux États-Unis ils ont massivement voté pour lui aux dernières élections, et on en compte 70 millions, environ un tiers de la population.
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