Après Invocation à la muse, Vénus et Adonis et Orphée Aphone, la dramaturge contemporaine Vanasay Khamphommala continue de convoquer et d’explorer les mythes antiques, les métamorphoses ovidiennes avec Écho, d’après le nom d’une nymphe des montagnes (une oréade, pour celleux qui aiment les termes techniques) maudite par Héra et amoureuse éconduite de Narcisse. Un nom qui a survécu dans le lexique actuel pour désigner un rumeur qui court à bas bruit ou un son répliqué en sourdine, preuve de la prégnance imaginaire de son infortune symbolique et sentimentale.
Car c’est bien de la voix, de la voix à peine présente, dont il est question ici. « C’est l’histoire d’une perte de voix, précise Vanasay Khamphommala, ancienne chanteuse lyrique. J’ai eu des rôles à l’opéra dès mes onze ans. Et puis, à trente ans, ma voix s’est effondrée. » Un point qu’elle partage d’ailleurs avec l’ex-soprano Natalie Dessay, l’une des interprètes d’Écho avec ses collègues de la compagnie Lapsus Chevelü, Caritia Abell et Pierre-François Doireau, ainsi que le musicien Gérald Kurdian.
Cinq performeur.ses réunis sur le plateau du TNBA, pour participer d’une cérémonie qui entend bien secouer poncifs et vieilles lunes. Ou, à tout le moins, les questionner, griffonner en marge du récit multi-millénaire pas mal de points d’interrogation. À commencer par celui-ci : l’esthétisation de la souffrance d’Écho, l’exaltation de son chagrin qualifié d’indéfectible n’est-elle pas suspecte ? Quels supposés patriarcaux peut-on y débusquer, tapis dans ses caches et ses arrières-boutiques, pour peu qu’on le passe au radar ?
Employant une vaste gamme de tons, de disciplines et de références, de la solennité tragique aux rires en boîte des sitcoms les plus kitschs, de la confession nue au lyrisme multimédia, du français à l’anglais en passant par le laotien, Écho entend crever l’abcès stéréotypé du chagrin amoureux. Peuplée de voix, de sons, de mots et de cris – osera-t-on dire d’échos ? – , sur comme en terre, ce rituel scénique arrangé comme un antidote à la peine, un exorcisme aux larmes, est un pas supplémentaire sur la trajectoire que poursuit Vanasay Khamphommala de pièce en pièce : proposer un remodelage quasi plastique des récits possibles, comme des mots, des forces et des corps qui y circulent.
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