Le nouveau cinéma fantastique français continue à avancer à pas de loup, mais marque de mieux en mieux son territoire.
Le cinéma fantastique à la française, ça a toujours été une histoire compliquée, mais pourtant une des plus nourries. Contrairement à ce qu’a pu laisser penser une hégémonie anglo-saxonne ou américaine sur ce genre, on trouve depuis les tous débuts du cinéma, une trace persistante d’une production française dédiée au surnaturel, voire même dès les origines, de courts métrages de Méliès regorgeant de sorcières et démons à d’autres des frères Lumière traversés de trucages. Pour autant, le fantastique français se coltine un indécrottable déni public. Sans doute parce qu’il reste associé à une idée de poétique ou de détournement du naturalisme.
Ces dernières années, une jeune génération de cinéastes a repris le flambeau, de La nuée à Teddy pour ressusciter à leur sauce des figures phares du folklore de l’étrange, comme aujourd’hui Lucas Delangle avec l’étonnant Jacky Caillou.
Et du coup, est-ce un Caillou dans la chaussure du cinéma français ?
Plutôt une nouvelle pierre jetée sur des chemins de traverse qu’il devrait prendre plus souvent. Le Jacky en question est un jeune homme qui n’est jamais vraiment sorti de sa campagne montagnarde des alpes de Haute-Provence, élevé par une grand-mère magnétiseuse, qui tente de lui transmettre ses pouvoirs guérisseurs. Ils vont se manifester quand une mystérieuse jeune fille atteinte d’une drôle de tache sur le dos débarque dans sa vie. Au même moment qu’un loup qui se met a décimer les troupeaux de brebis des éleveurs. Jacky Caillou confirme que le cinéma fantastique tient à deux notions fermement enracinées : la question de croyance et celle d’un territoire. Pour raconter la part animale qui subsiste en chacun, Lucas Delangle part donc d’un ado mal dégrossi qui n’a jamais vu le loup, et donc encore moins en l’occurence une louve, pour bâtir un film retournant à des sensations primitives, que ce soit dans sa juxtaposition d’un regard quasi-documentaire et d’une mythologie purement fantastique ou de la collusion entre une forêt digne de celles des contes de fées et des rapports humains bruts, rocailleux. Et pourtant, plus la dualité s’empare d’un gars partagé entre ses envies d’ailleurs émancipateur et la place naturelle qui lui est prédestinée, plus Jacky Caillou révèle sa seconde peau, celle d’un film aux abords sauvage mais bien plus caressant que prévu, une sorte de « Jackyll » & Hyde existentialiste. Il y est question de la puissance quasi mystique que peut prendre le désir, charnel ou amoureux, mais c’est encore plus celui de voir un cinéma fantastique local continuer à affirmer une identité forte qui émane de cette œuvre aussi singulière qu’envoûtante.
En salles le 2 novembre