Le label Analog Africa ressort des raretés, d’avant-garde, du Ghanéen Gyedu-Blay Ambolley.
Gyedu-Blay Ambolley est l’une des grandes figures du highlife ghanéen, ce genre musical inspiré des musiques sacrées, des fanfares militaires et du calypso, qui prend racine dans les années 20. Né en 1947 à Sekondi-Takoradi, au sud-ouest du pays, Gyedu-Blay Ambolley se familiarise très tôt avec le son des aînés précurseurs du genre (Sammy Lartey et Ebo Taylor, notamment), avant de se lancer, lui-même, dans la confection d’un son qu’il a contribué à faire évoluer, d’abord en le mêlant au jazz, puis à un phrasé chanté en langue fanti qui s’apparente au rap, et au funk parlé de James Brown ou de Gil Scott-Heron. On parlera alors de « hiplife », dont le morceau « Simigwa-Do », qui cartonne en 1973, est un exemple probant.
Très populaire au Ghana et au Nigeria (c’est bien sûr là qu’émergera l’afrobeat, dérivé du highlife, via la figure tutélaire de Fela Kuti), il le sera également en Europe, au Canada et même aux États-Unis, où il effectue quelques tournées dans les années 70, en compagnie d’autres artistes de pareilles renommées et également issus du continent africain (Fela Kuti, Miriam Makeba, Manu Dibango…)
D’une activité folle, celui que l’on considère comme le père de l’afro-rap ne s’est jamais vraiment arrêté. Il sortait l’an dernier, longévité remarquable, son trentième album studio, Ketan, qui témoignait de l’énergie encore bien vivace d’un artiste qui fête, tout de même, ses quatre-vingts ans cette année.
La révolution électronique
C’est toutefois à une autre période, charnière, de la carrière de Gyedu-Blay Ambolley que s’intéresse aujourd’hui Analog Africa, un label mené par un Allemand – Samy Ben Redjeb, basé à Francfort – qui ressort, depuis une dizaine d’années, les disques et les sons oubliés émanant d’une Afrique que le temps – et les troubles politiques, le plus souvent – ont parfois contribué à plonger dans l’oubli. À l’orée des années 80, le multi-instrumentiste ghanéen – il joue notamment de la basse et du saxophone – découvre en effet, comme le monde entier, ces instruments électroniques qui sont sur le point de changer à jamais le futur de la musique. De ces expérimentations nouvelles, qui virent notamment le Ghanéen se familiariser avec l’usage du synthétiseur, naquit quelques expérimentations. Et, fatalement, une révolution.
Avec l’aide d’un nouveau groupe, Zantoda Mak III, il enregistre alors le titre « The Message », cocktail de highlife et de funk bercé par des synthés nouveaux. Un morceau qui allait devenir, rapidement, un véritable hit au Ghana, et définitivement changer le son d’un artiste convaincu par ces sonorités nouvelles et particulièrement modernes.
C’est ce titre phare de la carrière de Gyedu-Blay Ambolley qui est aujourd’hui réédité par Analog Africa, un titre accompagné d’autres – « Akoko Ba », « Simigwa Soca », et « Burkina Faso », bijou d’électro funk qui avait, depuis longtemps, été égaré. Le label allemand l’affirme : il était pendant très longtemps absolument impossible de se procurer ces enregistrement avant-gardistes et audacieux de la grande figure de la musique ghanéenne, un disque qui ressortira, en version limitée (2000 copies) le 1er août mais dont la moitié est déjà disponible sur la plateforme d’écoute Bandcamp. Une écoute, de fait, que l’on vous recommande chaudement, de la même manière que l’on vous recommande une plongée dans l’ensemble du catalogue d’Analog Africa, qui avait notamment ressorti dans ses premières années quelques disques du Tout-Puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou, ou s’était intéressé, plus récemment, à la carrière du du musicien camerounais Hamad Kalkaba.
Visuels : (c) Analog Africa