La très grande saga de Radio Nova racontée par celles et ceux qui l’ont vécue et ambiancée à l’antenne ou dans la savane.
En 1995, Nova vit-elle un éternel printemps ? Comme le crie Björk, dans une explosion jazz : It’s oh so quiet. David Blot anime Tout ce qui bouge avec Léa Drucker, Ivan Smagghe et l’un des futurs ténors du journalisme mode, Loïc Prigent. Jusqu’ici, tout va bien : La Haine de Mathieu Kassovitz décroche le prix de la mise en scène à Cannes, puis le César du meilleur film – qui démarre par un DJ qui mixe à sa fenêtre, dans la cité des Muguets de Chanteloup-les-Vignes, Sound of The Police de KRS-One, Police de NTM et Non, je ne regrette rien d’Edith Piaf. Son nom : Cut Killer, qui débarque sur nos ondes avec le Cut Killer Show, entouré d’East et de DJ LBR. Les freestyles s’enchaînent, parfois écoutés par des fachos qui traquent le moindre dérapage verbal. Un aprèm, Method Man, méchamment jet-lagué, se roule des joints « monstrueux » et pète les plombs en hurlant torse nu debout sur la table. L’important, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage. Y compris pour sa compatriote américaine Eileen Collins, première femme à piloter une navette spatiale en route vers la station MIR – alors qu’un nouveau studio d’animation nommé Pixar nous présente des jouets doués de parole qui rêvent d’aller vers l’infini et au-delà.
Pourtant, on le sait, le bonheur est dans le pré et d’après l’Australien George Miller, même les cochons peuvent devenir bergers. En cette année 1-9-9-5 capitale pour le hip-hop, Kool Shen & JoeyStarr content l’épopée graffiti dans Paris sous les bombes, tandis que Jacques Chirac, sans doute un peu porté par le succès de sa marionnette aux Guignols, accède à la présidence de la République et annonce un mois plus tard la reprise des essais nucléaires français. Un attentat au gaz sarin endeuille le métro de Tokyo. Dans Pulp, son ultime roman, Bukowski imagine que la Mort en personne engage un détective privé pour retrouver Louis-Ferdinand Céline – semble-t-il toujours vivant, à la différence du philosophe Gilles Deleuze, qui disait dans son Abécédaire : « Le vrai charme des gens c’est le côté où ils perdent un peu les pédales, où ils ne savent plus très bien où ils en sont. Ça ne veut pas dire qu’ils s’écroulent au contraire, ce sont des gens qui ne s’écroulent pas. Mais, si tu ne saisis pas la petite racine ou le petit grain de folie chez quelqu’un, tu ne peux pas l’aimer. On est tous un peu déments, et j’ai peur, ou je suis bien content, que le point de démence de quelqu’un ce soit la source même de son charme. » Et c’est un gros grain de folie qui va s’abattre sur nos studios à l’arrivée d’un jeune comique cinéphile de Trappes, Jamel Debbouze, avec ses 24 blagues par seconde, entraînant dans le sillage de sa tchatche en or massif l’irruption d’une troupe de rigolos durables : Éric & Ramzy, Omar & Fred ou Michaël Youn. En 1995, le cinéma a cent ans… mais était-il prêt pour le cinéma de Jamel ?
Réalisation, mixage : Guillaume Girault.