La très grande saga de Radio Nova racontée par celles et ceux qui l’ont vécue et ambiancée à l’antenne ou dans la savane.
La super Nova a donc survécu au bug de l’an 2000. Est-ce l’heure du jubilé ? Quelles sont nos bonnes résolutions ? A-t-on atteint l’âge de raison, comme Bridget Jones ? Ou continuons-nous à être aussi intransigeant·e·s que le disquaire joué par Jack Black dans Haute fidélité de Stephen Frears, d’après le roman de Nick Hornby ? Une partie de la réponse se trouve dans Test, « laboratoire musical » animé par Ivan Smagghe avec l’aide Fany Corral, du lundi au vendredi de 19h30 à 22h, pendant quatre saisons épiques pleines d’invité·e·s et de lives incroyables, d’Iggy Pop à James Ellroy. Mais qui est cet Ivan, aux goûts terribles ? Disquaire de l’historique boutique indé « Rough Trade » rue de Charonne, ce DJ et musicien, sorti major de promo de Science-Po Paris, écoute dans son enfance Brigitte Fontaine et Soft Machine puis Violent Femmes et Sonic Youth, avant de découvrir l’éventail troublant des musiques électroniques nées sur les cendres du disco, grâce aux merveilleuses soirées du Boy. Dans Les Inrocks, où il pige en même temps que dans Nova Mag, le « prescripteur le plus désintéressé du moment », qui a « toujours eu peur de ne pas être différent », définit sa position de tir : « Je suis peut-être un passeur, mais pas un vulgarisateur ; un disque majeur qui ne me plaît pas, je ne me sens pas obligé d’en parler. Un disque mineur que personne ne trouvera et qui me plaît, je pourrais le jouer deux cents fois. » Dans la foulée, Nova produit une série de compil’s Test, qui annoncent les Nova Tunes. Ivan deviendra l’un des seigneurs de la nuit parisienne du début des années 2000, notamment via sa présence aux platines du Pulp, club lesbien des Grands Boulevards, ou par la suite grâce au label Kill The DJ.
Faut-il tuer les DJs ? En 2000, épaulée par Mirwais et coiffée d’un chapeau de cow-boy rose, Madonna chante que « la musique mixe la bourgeoisie et les rebelles », tandis que Daft Punk revient one more time ou que les trois compères du 113, qui comme chacun sait sont dans la chanson, célèbrent leur tonton du bled porté par un classique du raï samplé par DJ Medhi. Le Saïan Supa Crew déclare sa flamme à Angela, ce qui incite peut-être Disiz La Peste à péter les plombs. Notons que le millénaire qui démarre ne manque pas des raisons de devenir dingue, comme Marilyn Monroe dans Blonde de Joyce Carol Oates. Rendez-vous compte : le teigneux directeur des renseignements russes, Vladimir Poutine, est élu président de la Fédération de Russie dès le premier tour ; Radiohead parie que le premier enfant cloné existe déjà et lui consacre l’album Kid A, alors que l’Inde abrite désormais un milliard d’habitant·e·s ; Screamin’ Jay Hawkins et Tito Puente nous lâchent, tout comme le papa de Snoopy, Charles M. Schulz ; parti de Roissy, un Concorde à destination de New York s’écrase dans le Val-d’Oise et fait 113 morts. Heureusement, le tyran yougoslave Milosevic démissionne sous la pression de la rue et on commence à lire Persépolis de Marjane Satrapi. À l’antenne, un critique de cinéma venu de Toulouse, Alex Masson, rejoint l’équipe de Jamais sans mes fibres à Cannes, qui bitche grave pendant la cérémonie de clôture l’année du triomphe de Björk dans Dancer in the Dark de Lars von Trier. Et nous faisons la connaissance de deux grandes dames : la chanteuse algérienne aux 400 K7, Cheikha Remitti, en live et interview dans Néo-Géo, et Hadja Tabi, notre « tour de contrôle » et suprême intendante, qui nous protège et fait la chasse aux sheitans.
Au cours de cette introduction, vous ai-je menti, juste un peu ou compulsivement, comme le meurtrier Jean-Claude Romand raconté par Emmanuel Carrère dans L’Adversaire ? Pour le savoir, une seule solution : grimpez donc sur le dos de ce zèbre !
Réalisation, mixage : Tristan Guérin.