Voici un livre dédié à ce 6eme sens qui sommeille chez certains et ne dors jamais chez d’autres.
Si depuis quelques temps vous trouvez que “sortir pour aller danser” relève de la fiction, que vous avez la flemme de consulter l’agenda des événements du coin, puisque de tout façons “y’a rien à faire”, ou qu’envoyer 50 messages à vos potes pour les motiver à se rejoindre pour passer du temps ensemble constitue une épreuve quasi-olympique, c’est peut être le signe que votre sens de la fête est en rade, et qu’il faudrait le stimuler un peu.
Laissez-nous donc vous conseiller un ouvrage qui saura revigorer votre fibre festive.
Il y a un sens de la fête ?
Le sens de la fête est tiré du podcast éponyme réalisé par Christophe Payet du média Nique La Radio, une série composée d’entretiens qui invitent des figures de la fête francophone, le but étant de répondre à la question “est-ce qu’il existe un sens de la fête à la française ?”, et de faire une généalogie de notre histoire de la fête en remontant le temps, tout en restant sur des histoires contemporaines, de mémoire d’humains.
Au fil des pages, on explore des lieux mythiques de la fête française, à travers les yeux et les souvenirs de celles et ceux qui les ont initiés, défendus, ou qui en ont été l’incarnation. Sur la carte, on retrouve le Palace, carrefour du tout-Paris des années 78 à 83, la Clé des Chants, boîte de nuit qu’une bonne partie des fêtards localisés entre Dijon et Lyon ont connu ou Concrete, péniche flottante sur les rives parisiennes…
Le casting est riche : 15 bienfêtards questionnés sur ce qui peut tuer une fête, ces ingrédients essentiels, la sincérité dans le monde de la nuit, les excès, le revers de la médaille…Ces figures sont journalistes, DJ, organisateurs de soirées, collectifs… Les générations, les parcours et les genres musicaux se confondent pour ne garder qu’un seul lieu commun : cette propension à aimer la fête qui déborde, jusqu’à pousser les murs.
La fête qui déborde c’est exactement ce que Fanny Coral du club lesbien le Pulp affectionne (“une bonne fête ça doit partir en vrille”), Laurent Garnier, qui officiait à la Hacienda à Manchester et plus tard au Rex Club, tient à rappeler qu’un bon dîner avec des potes c’est déjà une soirée réussie, et pour les avatars les plus récents de la fiesta personnifiée – le collectif La Creole – la fête se doit d’être métissée, dans le public comme dans les genres de musiques mis en avant lors de leurs événements… Autant de visions et d’angles différents par lesquels aborder la question de la teuf.
Attention : Les fêtes paraissent plus fun qu’elle ne le sont dans le rétroviseur
Cette série d’entretiens permet de se rendre compte que l’on a tendance à vouloir rendre mythique les fêtes qui appartiennent au passé, et que ce rétroviseur nostalgique peut s’avérer être un miroir déformant. David Blot (Nova Club, Respect) par exemple tient à rappeler dans son entretien que la French Touch n’attirait presque personne à ses débuts, dans les années 90 lors des soirées Respect au Queen. La somme de ces conversations permet donc de réfléchir à comment notre manière de (se) raconter un événement contribue à construire une légende.
Le livre n’est pas non plus un ode à la fête qui ferait l’impasse sur ses travers les plus sombres, le revers de la médaille, les redescentes, les excès, tout ce qui fait que l’ont peut-être vite écarté de la piste quand on sort des cercles mondains. L’un des invités, Guy Cuevas, ex-DJ du Palace raconte dans son entretien cette face sombre, ce qu’appuie Christophe Payet joint par téléphone “Guy Cuevas était DJ au Palace, était évidemment une figure adulée de tous. Le jour où il a arrêté de mixer parce qu’il est devenu aveugle, il a été abandonné du jour au lendemain par tous. Il s’est retrouvé dans la misère la plus totale (…) En fait, plus personne ne l’appelait parce qu’il ne pouvait plus donner d’invitation et payer du champagne” Dans le monde de la fête, si les sommets sont immenses, les chutes sont abyssales.
Quand on évoque les menaces qui pourrait s’attaquer à la fête, ou cette période post-covid où le sens de la fête semble s’être émoussés chez certains, Christophe est “très optimiste sur le fait qu’il va y avoir un souffle nouveau avec une nouvelle génération qui va arriver, avec de nouvelles musiques, de nouveaux lieux. Et c’est très cyclique en fait.” En effet, l’étude de la frise chronologique de la fête contemporaine permet de se rendre compte que périodes fastes et périodes creuses s’enchaînent, mais que finalement, le boucan ne s’arrête jamais bien longtemps.
Voici donc un ouvrage qui réussira à remettre du jus dans vos enceintes, et puisque qu’un bouquin sur la fête se doit de se lire en rythme, Le sens de la fête accompagne chaque rencontre d’une playlist, qui représente l’esprit et les coups de cœurs des figures du casting. Ci-dessous la contribution de David Blot, qui saura, on l’espère, titiller votre 6eme sens.
Le sens de la fête c’est dès aujourd’hui dans les libraires. L’équipe de Nique La Radio organise un talk (et une soirée bien sûr) le 16 décembre prochain pour célébrer ce nouvel ajout au catalogue de Nique Les Editions. Les infos sont disponible sur le twitter de Nique la Radio, pour le podcast « Le sens de la fête », c’est ici.