Pour revenir sur une page méconnue des rapports entre le Danemark et l’Island, Godland recolonise le cinéma.
Le cinéma c’est forcément une histoire de foi. Dans les images comme dans les récits. Certains cinéastes en font des territoires sauvages à traverser. Parfois littéralement, comme dans Godland. Un tout jeune prêtre danois doit y parcourir l’Islande, pour aller construire et prêcher dans la nouvelle église d’un village. Sur une carte, le Danemark et l’Islande ne sont pas si éloignés que ça, mais le film d’Hylnur Palmason affirme qu’au XIXe siècle tout les séparait, et qu’il faut en passer par un chemin de croix pour les joindre. Une scission qui s’affiche dès l’apparition du titre à l’écran, précisé en danois et en islandais. Et se confirme, avec un scénario en deux temps. D’abord le parcours du prêtre à travers une nature aussi splendide qu’hostile, puis son intégration dans une paroisse qui ne veut pas de lui. Il faut dire que Godland revient sur cette période où l’Islande n’était qu’une colonie danoise, que le royaume entendait bien évangéliser.
Palmason compte bien lui porter une autre bonne parole, celle d’un cinéma volcanique et rugueux, compagnon des épopées telluriques d’un Werner Herzog ou d’un Michael Cimino. Comme leurs plus grands films, Godland voit les mouvements civilisationnels comme une âpre aventure, une expédition en terre inconnue. Palmason y rajoutant un geste primitif en étant filmé comme aux débuts, dans un format carré et une image granuleuse. Ou en s’étant confronté véritablement aux lois naturelles, par exemple en ayant réellement attendu lors de prises de vues étalées sur plusieurs années que les saisons passent ou qu’un cadavre de cheval se décompose. Ainsi en parallèle de Lucas, le prêtre qui s’essaie à apprendre la langue islandaise, Palmason fait réapprendre celle du cinéma. Le tout pour remettre les choses à la bonne échelle, rappeler que l’humain n’est finalement qu’une particule dans la genèse du monde. Et Dieu dans tout ça ? Il se cache peut-être bien dans un film monumental, touché autant par la glace que par la grâce.
En salles le 21 décembre