La chronique de Jean Rouzaud.
Une série de documents et de films sur Alan Vega sont enfin réunis sur un DVD. Soit cinq films de Marc Hurtado, musicien er réalisateur, et amateur de spécimens rares avec lesquels il a lui-même joué.
Rock Arty, dur, minimal, électronique, urbain, rebelle
Marc Hurtado, musicien et réalisateur, passionné et précis, a choisi son camp : un Rock Arty, dur, minimal, électronique, urbain, rebelle…On pourrait dire « industriel planant », dans lequel il s’est impliqué.
Genesis P-Orridge (ex Throbbing Gristle, groupe anglais qui a « inventé » la musique « industrielle » en 1970, avec des concerts – shows, proto-punk, sorte de trash électronique), Lydia Lunch (ex Teenage Jesus and the Jerks), Gabi Delgado (ex DAF – Deutsch American Freundshaft, et autres Christophe, sont sa famille (Adams ?) de la Cold-wave.
Entre ballade à Manhattan, interviews, concerts et expositions, le portrait d’Alan Vega apparaît, kaléidoscopique, comme l’artiste avant-gardiste qu’il a toujours été depuis 1965 ( !)…
Ses premières expo ? Dans des backrooms de clubs homos !
Vega est d’abord sorti d’école d’Art avec des visions urbaines. Un art de la récupération, du détournement. Il bricole des ex votos du Rock new-yorkais, avec des photos de jeunes boxeurs christiques, des fils électriques et des ampoules rouges, bleues, violettes…
Un peu comme le photographe américain et rebelle Robert Mapplethorpe (à la même époque, 1965-1970), ses sculptures évoquent la ville, le Rock, l’électricité, la souffrance et la rédemption des enfants des rues, nimbée d’une vision presque religieuse.
Comme les dadaïstes, un demi-siècle plus tôt, Alan Vega travaille avec ce qu’il ramasse par terre : fils électriques, barbelés, bouts de circuits électroniques, ampoules et diodes, images, journaux, commutateurs. Ces assemblages raffinés éclairés d’une lueur, sont comme des veilleuses, en hommage aux citoyens inconnus…
Avec son alter ego Martin Rev au clavier et une boîte à rythmes, ils allaient créer le groupe Suicide, et un nouveau concept Rock.
Elvis, en électronisé à l’extrême
Dans la foulée de son art brut et délicat, Vega imagine un Rock répétitif, lancinant : hommage à Elvis, électronisé à l’extrême, à la fois fragile et vibrant, surfant sur des nappes de synthétiseurs et de vrombissements.
Avec leur groupe Suicide, Rev et Vega inventent la matrice d’un « psychobilly » serré, d’une cavalcade de bruits rythmés, de cris, de plaintes, enchâssées dans une sorte de moteur ronflant, et sur le choc binaire d’un Rock brut, ponctué par la voix fantomatique d’Alan.
Leurs interviews sur ces films nous éclairent un peu sur la poésie urbaine des ces deux artistes, leur transcendance, perdus dans le monde Rock, jamais vraiment compris ni acceptés, devenus cultes en 1980, grâce au mouvement Cold et No Wave à New York.
Quand j’ai pu rencontrer Vega, avec le même timbre de voix, doux et adolescent, il m’a évoqué ses premières expos dans des backrooms de clubs homos (!), puis ses premiers concert intimistes où il faisait fuir le public, frappant le sol avec une chaine…
Cet artiste radical est aujourd’hui un des artistes électro qui a eu le plus d’influence sur les scènes Rock, lui qui avait choisi la démarche la plus artistique et inattendue possible. Il est une « essence » musicale qui reste à découvrir. Un absolu.
Alan Vega, Martin Rev, Suicide. Five Films by Marc Hurtado. The infinite Mercy film. 16’ (2009). Saturne drive duplex .6’(2011) Saturne drive duplex redux . 4’(2014) Infinite Dreamers. 82’ (2016), Saturne drive. 5’ (2016).
2 DVD. Livret de 36 pages (textes Marc Hurtado), Alexandre Breton. Peinture de Sébastien Vitré (16 euros 33)
Alan Vega est également à l’affiche de l’exposition Alan Vega, Universe, galerie Laurent Godin, visible à Paris jusqu’au 23 septembre.
Visuel en Une : (c) Cédrick Pesqué