La chronique de Jean Rouzaud.
Matthias Debureaux est un cas. Après avoir sorti en 2016 De l’art d’ennuyer en racontant ses voyages (déjà aux Éditions Allary), il nous assène Le noble art de la brouille, avec exemples historiques, littéraires, artistiques, plus ses conseils, avisés en la matière…
Rester fâché
Car pour l’auteur, se fâcher est bien un Art, qu’il ne faut ni bâcler, ni écourter. Il faut tenir : la réconciliation est souvent laborieuse, honteuse, et n’arrange rien, alors autant persévérer et rester fâché !
Quand Luis Buñuel, après des années de rupture sévère avec Dali, déclara qu’il accepterait de prendre une coupe de Champagne avec son ancien ami Salvador, ce dernier répondit « moi aussi mais je ne bois plus ! » Le mauvais esprit de Dali, qui lui avait refusé une aide et se déclarait perversement franquiste, resurgissait comme au premier jour.
Meilleurs ennemis
Ce petit essai de 95 pages, dans un vrai style classique, nous rappelle la méchanceté des poètes, artistes et musiciens, et quelques trahisons ou vacheries historiques. Lennon contre McCartney, Prince contre Michael Jackson, mais aussi Chanel contre Schiaparelli, Picasso contre Matisse etc.
Ce n’est pas que du mauvais esprit, mais une inversion de valeurs : puisqu’on se fâche, autant le faire consciencieusement, avec méthode et rigueur (!) Mais les duos Sartre et Camus, Freud et Jung, Truffaut et Godard, peuvent nous éclairer sur la conduite à tenir avec nos meilleurs ennemis.
Surtout, tout cela est drôle, parfois dérisoire, souvent un peu vain, mais l’être humain doit connaître sa vraie nature (pas très gentille), au moins pour se méfier de lui-même…et des autres !
Je ne sais pas si cet essai est purement cynique, mais, côté positif, on y apprend pas mal d’histoires, on sourit souvent devant ces stars dures, irascibles ou capricieuses. L’auteur donne des conseils de détails, d’objets, de cadeaux ou de souvenirs à détruire…
Bien sûr, on navigue plutôt du côté obscur, mais, à part Jean-Jacques Rousseau qui prétendait que l’homme « naissait bon….» , et que seule « la société le corrompait », l’humanité a fini par piger que la nature humaine était pour le moins compliquée et même parfois tordue.
Alors, si pas mal d’auteurs s’intéressent enfin aux réactions humaines étranges ou indéfendables, au lieu de faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes de l’amour et dans l’amitié, le temps est peut-être venu de compter avec nos défauts.
Encore un effort, l’être humain finira par être buvable !
Le noble Art de la brouille. Par Matthias Debureaux. Allary Éditions. 100 pages. 10 euros.