La guerre à hauteur d’enfant, c’est toujours traumatisant.
La guerre c’est dégueulasse mais ça fait des films stupéfiants. Du moins quand ils osent la regarder en face, ne pas flancher devant ses atrocités. Ceux-là se comptent sur les doigts d’une main. Un décompte qui se réduit quand comme The painted bird, certains ne se contentent pas d’aller au front. Le film de Vaclav Marhoul ne va d’ailleurs quasiment jamais sur le champ de bataille pour suivre un orphelin dans l’Europe de l’Est rurale. La seconde guerre mondiale reste une toile de fond pour cette odyssée façon Rémi sans famille, en plus cruel. Le gamin n’a pas de nom, n’est que le témoin d’une humanité retournée à son animalité. De rencontre en rencontre, sa découverte du monde adulte ne sera que douleurs et sévices.
En dépit d’une brutalité au bord du sadisme, même quand il est excessif, The painted bird s’élève pourtant au-dessus de la complaisance. Entre autres par des ambiguïtés, lorsque les personnes les plus rudes avec ce môme sont celles généralement dépeintes comme des victimes de conflit ou à l’inverse, celles qui lui montrent un minimum de compassion portent l’uniforme des bourreaux. De même, si l’ombre de la Shoah enserre ce film, il n’est jamais certain que ce martyr en culotte courte soit juif, mais assurément un enfant instrumentalisé et rejeté, faisant l’apprentissage, psychologique comme physique, de la violence comme seul horizon. Ce, sans quasiment prononcer une phrase de tout le film. Normal, quand il n’y a plus de mots pour relater l’horreur de cette période. Le plus sidérant restant la terrassante beauté plastique de The painted bird, porté par un noir et blanc au delà du sublime, alliance d’ivoire et de charbon, confortant les liens de descendance avec L’enfance d’Ivan, le classique de Tarkovski lui aussi récit d’une enfance massacrée. Au-delà de la difficulté qu’éprouveront certains à supporter la dureté de certaines scènes dans un tel écrin, il pose évidemment la question d’esthétiser la guerre. Mais c’est pour mieux la détourner quand derrière cette fusion dérangeante entre lyrisme et fange, le choix de la bichromie renforce avant tout un propos sans équivoque, donnant aux zones grises de l’espèce humaine, la teinte amère des cendres.
En Blu-ray (Spectrum films)