Nino Ferrer raconté par Veronique Mortaigne.
Le classico de ce dimanche, dans Néo Géo – qui revisite toutes les semaines un morceau culte – s’intéresse aujourd’hui au Français Nino Ferrer, et à son titre « Mr Machin ».
D’abord, parlons identité et prénoms. Nino ne s’appelait pas Nino, mais Agostino, ni Ferrer mais Ferrari, puisqu’il est Italien.
Quand il publie l’album Nino Ferrer en 1967, dont est extrait le titre Monsieur Machin, il a déjà connu le succès, avec Mirza, le chien récalcitrant. Nino est déjà reparti en Italie, pays de son père, car il est déjà en guerre avec le show-bizz français.
Monsieur Machin, qui est-ce ?
Qui est donc ce Monsieur Machin qui n’aime ni les Juifs, ni les jeunes, ni le jerk et certainement pas les Noirs, et encore moins Nino Ferrer ?
On y mettra un soupçon d’Eddy Barclay, nabab d’une industrie discographique qui détestait les accès de colère du grand blond. On y ajoutera un zeste du père, ingénieur chimiste et bourgeois ligure, et puis une belle poignée de ronds de cuir franchouillards ou transalpins.
En 1967, le Camerounais Manu Dibango a intégré la « bande à Nino », un groupe très rythm & blues. Il y joue d’abord de l’orgue puis du saxophone, comme ici. Le Camerounais en est ravi car il dit du patron qu’il est « le seul blanc à chanter comme un Noir ». Et ça groove avec ce drôle d’escogriffe, qui étudia l’ethnographie à la Sorbonne.
Né à Gênes en 1934, c’est en Nouvelle-Calédonie qu’il vit d’abord, entouré de faste colonial. Son père dirige une usine de nickel et y a épousé une Caldoche de souche. En 1939, ils sont coincés par la guerre dans l’Italie mussolinienne, puis s’installent à Paris en 1947. Une armée de Monsieur Machin, petits et grands, attaque alors Agostino : il est étranger, bourgeois un peu fauché, venu d’Italie, un pays qui a combattu aux côtés des Allemands, presque un collabo donc …
Tirée à l’extrême sur ce « blues au vinaigre », la voix éraillée de Nino annonce la dualité du personnage, qui s’est suicidé il y a vingt ans, en août 1998 dans sa demeure du Quercy : âpre, parfois belliqueux, toujours insatisfait, il était également doux comme un été dans le sud. Nino Ferrer, humain, trop humain, pense qu’il n’est jamais trop tard et appelle Monsieur Machin, ce mort vivant, à boire, à fumer, à porter l’oeil sur les « minettes en mini jupes/mini vertueuses ».
En face B de ce Monsieur Machin, figure le Telefon. Ce fut un de ces tubes qui, avec Mirza, les Cornichons – Il Baccala en italien, puisque tout Nino, ou presque fut traduit en italien – plombèrent le profil du musicien de jazz qui voulait être noir et ne prit la nationalité française qu’en 1989, pour célébrer la Révolution.
Le Néo Géo du dimanche 30 septembre, à réécouter.
Visuel : (c) pochette du disque Mr Machin de Nino Ferrer