Chaque semaine, BAM BAM, l’émission de Jean Morel et Sophie Marchand sur Nova, analyse l’actualité musicale.
Chaque jour, Jean Morel et Sophie Marchand font leur journal musical, dansBAM BAM.
Depuis la rentrée, les albums posthumes sont sortis en nombre. Un besoin de faire chanter les morts qui questionne. Est-ce ou non, une bonne idée ? Est-ce un geste artistique ou juste un moyen pour les maisons de disques de ne pas renoncer à leurs poules aux oeufs d’or ?
Établissons d’abord une typologie : il y a les artistes fauchés dans la fleur de l’âge. C’est le cas dernièrement de tous les rappeurs qui ont trop consommé, tels que Mac Miller ou Lil Peep. Ce fut également le cas de tous les artistes du Club des 27 (Jim Morrison, Jimi Hendrix, Brian Jones etc.) Des artistes qui étaient souvent en train de créer, en train de composer un disque, et qui étaient à leur apogée artistique. On pense évidemment à un morceau, mythique, qui sort un mois après le suicide de son auteur, « Love Will Tear Us Apart » de Joy Division.
Évidemment, donc, dans le cas par exemple de Joy Division, comme dans ceux d’Arthur Russell, d’Otis Redding, d’Aaliyah, de Sam Cooke – on parle de morceaux ou de disques inachevés qui ont certes été des opportunités pour les maisons de disques – mais qui étaient de toute manière destinés à sortir. Ce n’est pas toujours le cas.
Et que doit-on penser des chutes de studio, de morceaux que les artistes avaient choisi de ne pas sortir, des sessions extrêmement confidentielles qui deviennent parfois des compilations posthumes ? Les fans ont-ils le droit d’entendre ce que leurs idoles avaient voulu brûler ? On pense à certains albums de Kurt Cobain, de Jeff Buckley, de 2Pac, de Michael Jackson, voire à des mashup improbables (par exemple entre Biggie et Bob Marley). On pense aussi au très bel album de Prince, minimaliste et tiré d’une session d’enregistrement sorti il y a quelques jours. Cette question-là se pose notamment en ce moment en France.
Au mois de novembre va sortir un album d’Alain Bashung qui fait débat. Dix ans après sa mort, c’est un disque qui réunit notamment des inédits que Bashung n’avait pas sorti, volontairement. Et à l’écoute du premier extrait, les fans disent que ça se sent. Même si la famille et les ayants-droit ont participé à la publication de cet album, les fans les plus orthodoxes disent ressentir un certain malaise. Cet extrait s’appelle « Immortels », et malgré tout, il est assez beau.
Au final, la vraie question est plutôt de savoir qui doit décider si un album posthume doit sortir ou non. Évidemment, la maison de disques ou les ayants-droit auront toujours envie de faire vivre leurs artistes, parce que ça rapporte.
Alors est-ce que c’est au public d’avoir l’oreille curieuse mais respectueuse, est-ce qu’il doit se refuser à aimer ces disques qui n’auraient pas dû sortir. Sinon, est-ce à l’artiste lui-même d’anticiper ce business de l’album posthume, et de demander à ce que l’on brûle tout à sa mort ? La solution n’est pas évidente.
Dans ses dernières volontés, Kafka avait demandé à son meilleur ami Max Brod de brûler toutes ses oeuvres non publiées. Cet ami ne l’a pas fait, et grâce à lui, ou à cause de lui, nous pouvons lire Le Procès ou Le Château.
Alors peut-être que dans le fond, chacun est libre de décider s’il veut ou non écouter des mémoires d’outre-tombe – et en attendant de trancher, on doit l’admettre, il y a un album posthume qui nous tient beaucoup à coeur ici dans Bam Bam. C’est Elliott Smith – From a Basement on The Hill. C’était en 1994, et il nous donne l’idée de ce que le musicien américain aurait pu produire aujourd’hui, notamment avec ce morceau « King’s Crossing ».
BAM BAM, Le bureau des affaires musicales, une émission qui déshabille les musiques qui font l’actualité pour en parler autrement. Des interviews surprenantes, des disques qui font danser et un regard affuté sur l’industrie musicale. BAM BAM c’est sur Nova tous les jours de 18h à 19h30, et en podcast sur Nova.fr.
Visuel de couverture : Piano & Microphone 1983 de Prince – © Courtesy of Warner Bros