La très grande saga de Radio Nova racontée par celles et ceux qui l’ont vécue et ambiancée à l’antenne ou dans la savane.
Vers quels périls roule notre civilisation, ivre de tous ses excès ? 2019 a des allures de train-fantôme. Allô allô allô ? Bébé fait du sale, humanité endgame. L’Australie et l’Amazonie s’enflamment, tout comme les ventes d’ouvrages sur la notion d’effondrement, ou les visionnages d’une série sur Chernobyl. Catastrophes naturelles et marches mondiales pour le climat secouent enfin les consciences les plus rétives au changement, qui questionnent a minima leur consommation de viande, de plastique ou d’avion, tout en écoutant le cri d’alarme formulé par Greta Thunberg, en larmes, à la tribune de l’ONU : « Je ne devrais pas être là, je devrais être à l’école. Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses. Des écosystèmes entiers s’effondrent, nous sommes au début d’une extinction de masse et tout ce dont vous parlez, c’est de l’argent et du conte de fée d’une croissance économique éternelle. Comment osez-vous ? Depuis plus de quarante ans, la science est claire comme du cristal. Comment osez-vous venir ici en prétendant que vous en faites assez ? »
Coïncidence symbolico-mystique : Notre-Dame de Paris s’embrase pour la première fois depuis le XIIIe siècle au niveau de sa flèche, dont la charpente a nécessité la coupe de mille trois cents chênes. Ça chauffe aussi en Algérie, en Irak et à Hong-Kong, où des manifestations contestent la violence et la corruption du pouvoir ; sur Nova, Aurélie Sfez dérive à Alger avec le collectif techno ATM ou le leader de Gnawa Diffusion, et surtout plonge son micro dans la marée humaine qui conduira le président Bouteflika à démissionner. Tout le contraire d’une autre émission d’Aurélie, plus feutrée, toujours réalisée par Bertrand Chaumeton : une nuit entière en compagnie de Christophe, ses mots bleus et son « nouveau petit synthétiseur », qui nous avoue « ne jamais penser à la mort » et se rendre aux enterrements « en souriant ». Caché derrière ses lunettes fumées, peut-être était-il à celui de Michel Legrand, Agnès Varda, Toni Morrison, Scott Walker, Karl Lagerfeld, Philippe Zdar, Jean-Pierre Marielle ou João Gilberto. Ou à celui de Chirac. Ou à celui d’Andrew Orr, cofondateur de Nova, auquel Catherine Lagarde rend un hommage bouleversant. É
Cette année-là possède, comme toutes les autres, ses montagnes russes. Ses hauts et ses bas. Des hauts : l’Académie Française approuve la féminisation des noms de métiers et Clémentine Spiler lance sur notre antenne ses chroniques sur les Pionnières de la musique, comme Chavela Vargas, Éliane Radigue ou Kathleen Hanna, sous mon sein la grenade. Des bas : rageux & rageuses poussent des hurlements sur nos réseaux sociaux à la simple évocation de l’écriture inclusive. Des hauts et des barres : Lizzo nous fait groover, Balkany part en zonzon et l’émission Les 30 glorieuses de Yassine Bellatar & Thomas Barbazan prend le pari de « rire du pire » en accueillant des humoristes acides et à suivre tels Benjamin Tranié, Djamil Le Shlagh, Laura Domenge ou un mystérieux « DJ Chelou ». Des bas : le nom d’Éric Zemmour et la thèse cent fois foireuse du « grand remplacement » prennent trop de place dans les débats. Des hauts, très hauts : Philippe Katerine marie en direct Marie Misset et son compagnon, le Sud-Coréen Bong Joon-Ho gagne la Palme d’Or avec Parasite et un homme traverse la Manche grâce à des réacteurs de son invention. Des bas : l’extrême-droite tue, en visant des musulman·e·s à Bayonne et en Nouvelle-Zélande, ou des Mexicain·e·s à El Paso, Texas, tout en s’emballant pour le clown meurtrier frustré joué par Joaquin Phoenix dans Joker. Haut : début d’un vaste mouvement social contre la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron. Bas : le soir de la fête de la musique à Nantes, un étudiant nommé Steve Maia Caniço tombe dans la Loire suite à une charge de la police et son corps ne sera retrouvé qu’un mois plus tard. Haut et bas mélangés : Volodymyr Zelensky, acteur comique lauréat d’une édition de Danse avec les stars, devenu densément star suite au succès sidérant de sa série Serviteur du peuple dans laquelle il se met en scène en train de remporter l’élection présidentielle ukrainienne, remporte l’élection présidentielle ukrainienne grâce à son parti nommé Serviteur du peuple. Moral bas, après tant de hauts : 2019 est aussi marquée par la fin inopinée de l’un de nos programmes emblématiques, grâce auquel nous avons eu l’impression, nous, de servir le peuple, les Nuits Zébrées, qui remballent leurs rayures au terme de dix-huit ans de concerts gratuits, dont les coulisses sont résumées ici par Ruddy Aboab… dans l’ombre du Zèbre. Mais hauts les cœurs, auprès d’un animal plus discret, Chaton, chanteur chevelu au reggae minimal, qui miaule : « Au bord de la faillite, je continue d’écrire des poésies. »
Réalisation, mixage : Malo Williams.