Le nouveau film de Guillaume Nicloux fait régresser l’humanité mais avancer le cinéma fantastique français.
Certains cinéastes sont énigmatiques. C’est le cas de Guillaume Nicloux. Depuis trente ans, ils signe des films très singuliers, jonglant avec les registres, capable au-tant de revisiter les arcanes du film noir, du Poulpe à La clef, que d’inventer une autofiction à Michel Houellebecq, relire Diderot avec une adaptation de La religieuse ou Joseph Conrad avec Les confins du monde voire d’envoyer Monica Bellucci se faire transformer en ours dans Le concile de pierre. Autant de films éloignés les uns des autres sur la forme que rapprochés sur le fond quand ils psychanalysent les angoisses existentielles du genre humain. Le nouvel opus de Nicloux, La tour, reliant pleine-ment ces fils, en se rapprochant à la fois plus clairement d’un cinéma de genre, la sé-rie B fantastique et d’une étude des réflexes tribaux. Le pitch est aussi simple qu’effi-cace : une tour HLM se retrouve entourée d’une obscurité totale qui absorbe tout ce qui sort. Le fonds lui est dense quand il ne vise rien moins qu’à raconter comment pour survivre pendant des années, les habitants vont retourner à une civilisation pri-mitive et sauvage.
Est-ce que pour autant cela fait grimper le cinéma dans les étages ?
Oui et non. Oui, parce que La tour est une tentative courageuse de cinéma fantas-tique français dans son refus des concessions jusqu’à assumer son nihilisme, capable du coup de rejoindre la vision désespérée des meilleurs films de John Carpenter ou de grands romans d’anticipations comme, forcément IGH de J.G Ballard auquel cette genèse d’un déclin de civilisation fait penser. Non, parce que l’écriture des person-nages reste un brin monolithique ou le récit parfois purement fonctionnel. Ce qui n’empêche pas La tour d’être plus que saluable en tenant son cap de film malaisant et peu aimable, mais encore plus de révéler derrière sa table rase d’une société pour retourner à ses racines claniques, des craintes tout aussi personnelles qu’enfantines, de la peur du noir à celles de l’abandon mais aussi celle, plus terrible pour un ci-néaste que même le cinéma ne puisse plus rien sauver, que le faisceau de lumière des projections devienne lui aussi englouti par un obscurantisme contemporain ga-gnant jusqu’à la foi dans les histoires ancestrales. Même dans ses maladresses, La tour, est touchant par sa détresse, sa trouille panique que tout finisse par un irrémé-diable fondu au noir.
En salles le 8 février.