Venu des années 90, placé dans un versant atypique du rap à contre-courant de la majorité des hits de l’époque, le groupe New-Yorkais de Brooklyn, Digable Planets était une bulle d’air pour les fatigués de l’esthétique gangsta prédominante.
Trop gentil, trop hippie, trop pas comme il faut l’être, les Digable Planets, comme les De La Soul, étaient rangés du côté du rap sympathique, radio compatible à souhait, pour la simple raison que leurs instrumentales sont souvent upbeat, et peut-être aussi parce qu’ils se sont donné des pseudos mignons.
Loin d’un E-40 dont le blase fait référence une bière de 40 ounces, les emcees de Digable Planets ont sourcé leurs alias dans un bestiaire, à la page insecte. On trouve donc Silkworm (Ver à soie), Butterfly (Papillon), Doodlebug (fourmilion), et Ladybug (Coccinelle), rien que ne puisse inspirer la crainte chez les ennemis ou impressionner les auditeurs les plus jeunes.
Si leurs alter-egos ne terrorisent personne, excepté les mouchoirs de soie, cela ne signifie pas pour autant que les Digable Planets ne respectent pas les codes du rap. Il est parfois d’usage, dans un premier projet, de représenter l’endroit d’où l’on vient, pour poser le cadre, dans l’idée de partager son vécu avec l’auditoire, et c’est exactement ce qu’ils font sur le titre : « Where I’m From ».
Ces insectes-rappeurs nous prêtent ainsi leurs yeux, pour nous montrer les sapes des résidents de leur quartier, les chaussures qui ne s’usent pas, les vestes colorées, les cheveux tressés, la nourriture qu’on trouve dans les assiettes. Les Planets riment aussi sur l’aspect spirituel de leur hood, des croyances qui y font loi, la foi en la religion, comme celle en les écrits de Karl Marx. Contrairement à ce que se plaisait à dire Benjamin Franklin : (« Personne ne prêche mieux que la fourmi, et elle ne parle pas »),
« Personne ne prêche mieux que la fourmi, et, dans le cas des Digables Planets, elle rappe ».