Deux ans après sa disparition, l’un des tauliers du cinéma français populaire remet une tournée avec une rétrospective.
Il y a bientôt deux ans mourrait un ogre. Bertrand Tavernier était plus qu’un cinéaste, un homme de cinéma. Au sens le plus ontologique du terme, tant il se nourrissait intellectuellement, quasiment physiquement, de films. Quiconque l’a croisé se souvient encore de son flot débordant, de son savoir encyclopédique, de la passion qui l’animait, jusqu’à en être vital. Au point qu’il écrira cette phrase aussi forte que poignante : « l’amour du cinéma m’a permis de trouver une place dans l’existence ». Par effet retour, sa filmographie aura-t-elle existé pleinement auprès du grand public, pour alimenter une discussion au long cours, sur plus de quarante ans, de son premier long-métrage, L’horloger de Saint-paul (1974) au dernier, Voyage à travers le cinéma français (2016). Vingt-six échanges, souvent pour faire, à travers de nombreux registres, un état des lieux sociétal. La grande majorité ressort en salles cette semaine.
Une manière de lui rendre la politesse par un même inventaire ?
À voir ainsi rassemblés vingt-deux des films de Tavernier, il y a un fil rouge qui se tisse, cette capacité, pour celui qui était un historien vivant du cinéma, à documenter la France contemporaine, à s’attacher au réel, y compris au travers de films en costume. Celui qui conseillait avec verve de se pencher sur le cinéma d’antan se sera échiné à regarder, être un témoin de son époque. Bien sûr, il y eu la défense acharnée des institutions de service public avec la chronique lucide et cinglante des commissariats avec L.627 ou des écoles avec Ça commence aujourd’hui, mais aussi, en arrière-fond, des récits de luttes des classes sociales dans Le juge et l’assassin ou Que la fête commence, toutes attestations d’un réalisateur citoyen et engagé, très loin de l’académisme qu’une partie de la critique lui aura prêté à tort. Mais surtout, cette rétrospective est aussi une manière de faire réémerger, via ceux plus méconnus ou oubliés, d’Une semaine de vacances à Des enfants gâtés, une veine toute aussi militante, mais plus intime, plus à voix basse. C’est sans doute ce Tavernier-là, plus discret, qu’il faut redécouvrir, pour compléter le portrait d’un cinéaste, plus proche qu’on le pensait d’un Claude Sautet, dont il aura été une version plus prolétaire, mais aussi celui d’un homme qui dissimulait sans-doute derrière le volume tonitruant d’une faconde gargantuesque de passeur d’images et de culture, plus de failles et de doutes que prévu.
En salles le 15 février