La productrice franco-algérienne sort un premier album à l’éclectisme rare, témoin d’une époque où certaines n’hésitent plus à témoigner de qui elles sont vraiment.
“La spiritualité est une partie intime de mon langage” explique Sabrina Bellaouel, autrice d’un disque passionnant et d’une richesse folle, qui paraît chez InFiné (les grands esprits, on le sait, se rencontrent parfois). La spiritualité et un rapport à Dieu vu, par cette franco-algérienne ouverte d’esprit et de cœur, comme “une énergie supérieure qui [lui] apporte l’amour de soi et la connexion aux autres”. S’aimer soi-même comme le suggérait Oscar Wilde. S’aimez les uns les autres comme le prêchait Jésus. Un peu de tout ça.
Techno sacrée
Un amour de soi et de l’autre qui a conduit la jeune productrice – qui compose surtout depuis un ordi portable devenu, offrande du monde moderne, un studio portatif – vers des musiques et des énergies d’une pluralité très nette, déjà notables dans ses deux premiers EPs We don’t need to be enemies (2020) et Libra (2021), et plus encore aujourd’hui avec ce premier album, Al Hadr. Sabrina chante en berbère “chaoui”, en français parfois aussi, enregistre des chœurs dans des églises et des conversations sur les plages marocaines de Tanger. Le reste rappelle le label Underground Resistance ou la soul des Londoniennes du sud de la capitale anglaise. L’esprit partout, ouvert tout le temps.
Cet album, par son titre et par sa vocation à ouvrir au maximum les fenêtres pour aérer les cerveaux un peu trop renfermés (“à la maison, en arabe, ma famille et moi n’avons pas peur de parler de Dieu, mais il est difficile d’en parler à l’extérieur, dans la société française de tous les jours”, confesse-t-elle), il renvoie à l’idée du “temps présent”. Ce temps où la house, le dubstep, le punk, le R&B, la néo-soul, la musique concrète ou la techno peuvent cohabiter au sein de la même œuvre sans avoir peur de se marcher sur les sandales.
Un “temps présent” où il est possible de clamer son amour pour Dieu plutôt que pour celui du premier branleur de passage dans le coin qui voudrait se lover au creux de n’importe qui (“jamais peur d’être seule, pour le pire et le meilleur / À genoux je prie mon seigneur”), chante-t-elle sur le très moderne “Jah”). Un temps présent où une artiste comme Sabrina Bellaouel, parce qu’il y a des labels pour l’accompagner et des oreilles pour l’écouter, peut mettre sur disque la petite musique qui circule dans sa tête lorsque les autres musiques s’arrêtent.
Une musique dans la marge et pour celles et ceux qui aiment y traîner, rendue possible aussi, grâce à l’aide d’une panoplie de collaboratrices et collaborateurs idéalement sélectionné.e.s (la productrice Crystallmess, le producteur Basile3, le jazzeux Monomite ou Bonnie Banane sur le très lancinant “Goodbye”, qui clôture le disque) et qui participent à la formation d’un album intime, sensible et remarquablement sincère. L’album d’une femme de sa génération, celle qui n’hésite plus à dire qui elle est vraiment au plus profond d’elle-même.
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