Quand les services postaux rhodaniens étaient les premiers diffuseurs d’art alternatif de la région.
Direction la ville des gones, à la découverte d’un réseau de diffusion de cassettes audio et autres œuvres artistiques propagées par voix postale, un vrai trafic artistique punk mis en lumière dans l’exposition : Contre-Bande, musiques alternatives et culture cassette en Auvergne Rhone Alpes 1980-1999, actuellement programmée à la bibliothèque municipale de Lyon.
Une histoire de timbré
Derrière les vitrines de la BM Lyon, les créations d’une génération de jeunes artistes qui ont choisi de faire circuler leurs œuvres en dehors des sentiers battus, et de les propager via un réseau qui existait déjà depuis belle lurette, les services postaux. Pour rappel, au début des années 80, les ordinateurs ultraperformants dans chaque salon et les téléphones portables dans chaque jean, c’est encore de la science-fiction. Une alternative s’impose dans cette scène d’Auvergne Rhône-Alpes, échanger leurs productions en se reposant sur les bons vieux véhicules jaunes des facteurs.
Ce mode de diffusion va de pair avec une approche Do It Yourself, et parfois naïve, de l’art. On dessine sans savoir dessiner, on fait des films sans savoir en tourner, et on fait de la musique parfois sans l’avoir découvert académiquement. Ne pas savoir, c’est pas grave, l’important dans la démarche, c’est d’être actif, de faire, et puis de diffuser à celles et ceux qui partagent cet état d’esprit.
Ces émissaires envoient donc des cassettes audios, des poèmes, des textes de chansons, de l’art postal fait de dessins, de photocopies esthétisées ou de petits bibelots pas trop lourds pour pas se ruiner en timbres. Comme une toile d’araignées tissée au ralenti, ce réseau d’échanges artistique souterrain, loin des circuits bien connus comme les supermarchés ou les radios, s’est créé sur le long terme. Les membres se connaissaient de soirées, s’étaient aperçus en festivals, rencontrés en squats, en lieux d’échanges, et restaient en contact pour troquer leurs créations.
Retour à l’envoyeur
D’autres personnes rentraient dans le réseau presque par hasard, en récupérant une cassette par exemple, qui contient une adresse postale, et décidaient d’envoyer leur(s) création(s) à cette adresse, dans l’espoir qu’elles parviennent dans les bonnes mains, et sans garanti de recevoir quelque chose en retour. Imaginez la joie de déballer une réponse à ses bouteilles à la mer.
Simon Debarbieux, le commissaire de l’exposition Contre-Bande, a passé une bonne partie de son temps libre à traquer ces objets en circulation, des cassettes, des lettres, des poèmes et autres œuvres diffusées par ce réseau, et en a réunit un paquet, qui, en plus de rendre accessible une cargaison d’images, de sons et d’idées inédites, permettent de réfléchir aux manières alternatives de diffuser son art, loin des serveurs saturés d’internet (et dépendant de géants de la tech).
Contre-Bande c’est dès maintenant et jusqu’au 19 aout prochain à la bibliothèque municipale de Lyon, on espère en tout cas que cette histoire d’art et de musique propagé par boite postale vous aura donné envie de recommencer à écrire des lettres à vos potes, ça fait toujours plaisir de recevoir autre chose que des factures ou des avis d’imposition par courrier. Pour conclure, on vous recommande la cassette Joie de Vivre, de Ted & les Terriens, en particulier le morceau « Ghost Rider in the sky ».