Pas besoin d’être supporter des Verts pour embarquer dans cette capsule temporelle.
Les grosses têtes
Pour le deuxième album de Saint Etienne paru en 1993, le New Musical Express, un canard britannique culte dans le secteur de l’actualité musicale, publie, en plus d’une critique, une caricature qui met en scène les trois membres de Saint Etienne devant une cage de football, avec les deux compositeurs-producteurs Bob Stanley et Pete Wiggs en petits geeks chétifs et la chanteuse Sarah Cracknell en figure bien plus imposante, comme pour attribuer selon l’œil critique de NME, la répartition de l’importance de chacun dans le succès du groupe.
C’est une réputation que le groupe se trainait depuis leurs débuts, à cause de leur historique. Bob Stanley et Pete Wiggs étaient d’anciens journalistes devenus musiciens, donc certains observait d’une oreille prudente leurs créations. Au départ, le tandem ne souhaitait pas travailler avec une voix seulement, et inviter différentes chanteuses sur le projet Saint Etienne.
Mais après avoir rencontré et travaillé avec Sarah Cracknell, ils n’imagineront plus leur musique interprétée par quelqu’un d’autre, tant la présence que sa voix dégageait était essentielle à leur projet. Le truc, c’est que le public (et une bonne partie de la critique) s’accordait aussi à dire que la star du trio, c’était elle… d’où cette hiérarchie dans la caricature.
Bob Stanley, faux numéro 9
Fans de football, Bob Stanley et Pete Wiggs donnent à leur groupe le nom d’un club français (de haut niveau à l’époque, plus du tout maintenant…), d’où la caricature devant des filets. Le NME c’étaient pas les seuls à appuyer sur cet historique lié au ballon rond. Dans le vinyle de So Tough, on pouvait trouver un dessin représentant Bob Stanley sapé en attaquant des Verts, une manière comme une autre de faire vivre ses fantasmes de Ligue 1 à un journaliste britannique devenu musicien.
La force du disque, c’est ce qu’on lui reprochait à sa sortie, le fait que l’album s’ancrait ostensiblement dans son époque, en mentionnant des lieux (incarnés grâce à des habillages sonores), des adresses de Londres, ou des artistes phares de l’époque comme KLF. Tout ce name-dropping était perçu comme une manière un peu prétentieuse de se placer dans des endroits cool ou proche d’artiste en vogue.
Un parti pris qui donne maintenant à l’album le pouvoir de nous replonger dans ce Londres du début des années 90, comme une capsule qui nous ramène 30 ans en arrière, supporter stéphanois ou non. Embarquez dedans, je vous en prie, l’ambiance y est meilleure qu’au Chaudron actuellement.