Un business familial de cassette de contrebande qui a changé le paysage musical de Napoli et marqué une génération de jeunes fêtards locaux, bientôt sur les écrans.
Dans les rues du quartier de Forcella, tout proche de la vielle ville de Naples dans les années 80-90, une fratrie de pirates de la musique développe un business de cassettes de contrebande, qui changera complètement la scène musicale de Naples. Une folle histoire, bientôt adaptée en images.
Fratelli Frattasio
Dans le Napoli des années 80, on avait plus de chances de tomber sur un maillot de Maradona que sur un disquaire où choper la musique du moment. Un vrai inconvénient pour les jeunes qui n’avaient pas encore l’âge d’aller en club, donc condamnés à écouter les disques de papa et ce qui passait dans l’autoradio. En clair, ça craint.
C’est à ce moment-là que les frères Frattasio, une fratrie venue du quartier ouvrier de Forcella, va changer le paysage musical de Naples. Les frères se lancent dans la production de cassettes, des mixes soigneusement confectionnés revendus à la sauvette, avec pour objectif de faire danser les foules. Ils distribuent donc des cassettes de contrebande, reconnaissables grâce à une voix, celle d’Enrico Frattasio, le plus jeune des trois frères qui s’occupait du mixage et de l’enregistrement, et qui signait ses cassettes avec cette phrase : “Mixed by Erry”. C’est donc un marché parallèle de la musique qui s’organise dans les rues de Napoli.
Studio 54 Mixed By Erry, Freeway Compilation, Toto Rap, Kiss Kiss Party, les frères Frattasio multiplient les tapes, qui contenaient les hits internationaux de l’époque, inaccessibles pour beaucoup de jeunes napolitains. Du disco new-yorkais, de l’eurodance, et des titres emblématiques de l’époque comme Tom’s Dinner de Suzanne Vega cotoient alors des productions locales, des artistes napolitains, qui jouissent donc d’une exposition toute particulière.
Le crew de ragga/hip-hop 99 Posse, monté dans l’Officina 99 de Napoli, un atelier social, bastion des contre-cultures, fait partie des groupes qui en ont profité, même si ces membres tiennent à souligner dans une interview accordée au Guardian, qu’ils ont y ont aussi perdu quelques deniers en royalties.
L’empire napolitain
Ce qui démarre comme une modeste opération familiale finira par devenir un immense business. Les cassettes Mixed By Erry s’arrachent. Les frères Frattasio, qui entre temps ont dû recruter du personnel pour assumer la charge de travail grandissante, en écoulent des millions.
Les frères racontent, dans les lignes du site Italy24.press, que leur opération était aussi une affaire d’optimisation de techniques de duplication : « Nous utilisions ces duplicateurs appelés Tascam, qui nous permettaient de faire 300 à 400 cassettes par jour. Pour nous, cela signifiait déjà un pas de géant. Un doubleur, deux doubleurs, quatre ou cinq. Nous n’avons pas inventé le piratage musical, juste un système de distribution efficace. La force était celle de mon frère Enrico, qui a alors commencé à inventer des compilations. »
Avec le temps, leur entreprise de contrebande s’est transformée en label qui employait, au sommet de sa popularité, une centaine de personnes, avec un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros. Ironie du sort, les cassettes Mixed by Erry seront à leur tour victimes de contrebande, quand des copycats s’amuseront à les imiter. On parle donc d’un marché parallèle, d’un marché parallèle.
En 1997, les Frattasio sont arrêtés et condamnés. 4 ans et 6 mois de prison, et la fin d’un empire. En 2019, l’ouvrage Mixed By Erry (disponible uniquement en italien pour le moment) nous dévoilait l’histoire de ses cassettes pirate. Un biopic, produit par Netflix, qui retrace cette aventure arrivera bientôt sur les écrans. D’ici là, vous pouvez écouter ces fameuses cassettes sur le Mixcloud de Renato de Vita, qui en a digitalisé quelques-unes.