Sept jours ont suffi au chanteur brésilien pour produire un album remarquable, peu remarqué à sa sortie.
Qu’est-ce qui pouvait bien se passer dans la tête de Caetano Veloso, débarqué, après des années d’exil, dans un Brésil qu’il avait quitté pour fuir un régime autoritaire ? Avant son départ, son séjour en prison avait fini de le convaincre, le chanteur comme ses textes n’était plus les bienvenus dans son pays.
À l’aube des années 70, sa situation a changé. Il est déjà revenu une fois, le temps d’une escale en 1971, pour une rencontre avec João Gilberto et Gal Costa, l’occasion aussi de prendre la température. Veloso revient un an plus tard, et cette fois-ci, sa décision est prise, l’avenir est au Brésil. Il est de retour pour de bon, et il lui faut vite retrouver le chemin des studios locaux. Pas sûr que les disquaires seront aussi contents de son retour.
Araçá Azul
Un slip rouge éclatant, un ciel bleu azur et des yeux cachés dans l’ombre d’une chevelure bien fournie, c’est comme ça que le Brésil retrouvait Caetano Veloso, installé sur la pochette d’Araçá Azul, 5ᵉ opus venu des mains du musicien, et peut-être son plus expérimental.
Ce fruit bleu, Veloso l’a conçu en une semaine seulement alors qu’il revenait d’exil à l’étranger. Persona non grata depuis le coup d’État de 1964, le chanteur choisi finalement l’exil, après un séjour en prison. En 1972, le voici de retour avec l’envie de reprendre là où il s’était arrêté et d’imprégner sa musique de l’ambiance d’un pays qu’il apprivoise à nouveau.
Ce disque, il l’a composé donc à São Paulo, dans un studio nec plus ultra, qui permettait, chose rare pour l’époque, d’enregistrer sur huit pistes, donc d’avoir huit sons différents qui se superposent, huit ingrédients à saupoudrer le long d’un même morceau. En clair, plein de nouvelles possibilités pour Veloso. Alors, il se lâche, il grogne tout au long d’une chanson, une autre est enregistrée à même la rue pour bien sourcer ses bruits, son ambiance. Caetano Veloso est au summum de sa désinvolture et de son envie de perturber les oreilles non averties.
Fier de l’échec
Le brasileiro l’annonce en toutes lettres à l’intérieur du vinyle, c’est un album pour connaisseurs. C’est en tout cas ce que nous dit le texte placé au-dessus d’une photo de lui allongé au bord de la mer, toujours dans son slip rouge.
La cueillette d’Araçá Azul, c’est aussi des retrouvailles compliquées avec les rayons de disques qui retournent par paquets l’album à l’envoyeur. Trop perché, trop expé, presque impossible d’en vendre, c’est un des plus grands échecs de sa carrière qui ne lui a pas effacé son sourire pour autant. « J’étais fier de ce genre d’échec », dira-t-il dans son bouquin Verdade Tropical. Voyons si les échecs de Caetano Veloso peuvent aussi vous bercer.