Le prix vient d’être décerné au Croate Luka Modric. L’un de ses prédécesseurs était considéré comme le « cinquième Beatles ».
Le Ballon d’or vient d’être décerné au Croate Luka Modric. Dans La Chronique Sport, de Pour Que Tu Rêves Encore, la matinale de Nova, Barnabé Binctin se plongeait dans les archives de la prestigieuse récompense et remonte cinquante ans en arrière. En 1968, c’est George Best, footballeur Nord-irlandais, qui remportait le très prestigieux trophée.
Aujourd’hui, le panthéon du football a un peu oublié le nord-irlandais, sauf à Belfast bien sûr, où il est né et où il a depuis donné son nom à l’aéroport de la ville. Pourtant, l’attaquant a marqué des générations entières de fans, et pas seulement en Grande-Bretagne.
C’est simple, le roi Pelé dit de lui qu’il est le meilleur joueur qu’il ait vu jouer, tandis que le grand Maradona le considère comme son idole. D’ailleurs, les puristes du football résument ça d’une phrase : « Maradona good, Pelé better, George Best ! ».
Virtuose
Techniquement, c’était un virtuose, un dribbleur d’une facilité insolente, et en même temps sur le terrain, il jouait avec passion. Il est peut-être le premier à avoir fait du foot un véritable sport de spectacle. Et il l’assumait, lui qui disait : « J’ai toujours vu le terrain comme une scène, c’est pour cela que j’aimais jouer le soir, courir sous les projecteurs, j’adorais que les gens se lèvent quand j’avais dribblé un joueur, alors parfois je revenais sur mes pas pour le dribbler encore ».
Sauf que paradoxalement, c’est en dehors des terrains qu’il a construit sa légende, dans les pubs notamment. D’ailleurs, l’anagramme de George Best, c’est « Go get beers » ! Et lui-même disait souvent : « J’ai dépensé tout mon argent dans les voitures, l’alcool et les femmes. Tout le reste, je l’ai gaspillé. » Ses frasques ont forcément heurté les bonnes mœurs des années 60, car il n’y avait pas que les défenseurs qu’il aimait provoquer…
C’était un autre temps, les matchs en noir et blanc et les maillots sans sponsors. À l’époque, dans les vestiaires, les jeunes nettoyaient les crampons des anciens et on pissait dans les nouvelles godasses pour les « faire », comme on dit. Bref : le foot-business n’existait pas.
George Best jouait, évidemment, à Manchester United. Le grand club des années 60 avec lequel il gagne deux championnats d’Angleterre, puis la coupe d’Europe en 68. Il n’a alors que 22 ans. C’est à ce moment-là qu’il devient l’idole du royaume, avec ses cheveux longs et son maillot rouge qui dépasse du short. On raconte qu’il recevait alors plus de 10 000 lettres par semaine…
Le cinquième Beatles
En fait, George Best est tout simplement la première rock star du football. À tel point qu’il est vite comparé aux autres stars à cheveux longs de l’époque, issus de l’autre grande ville ouvrière de l’Angleterre, Liverpool… Il était carrément surnommé le « cinquième Bealtes ». C’est d’ailleurs le titre d’un livre publié par Vincent Duluc, journaliste de L’Équipe, et réédité récemment chez Arthaud. Un portrait génial, qu’on recommande, dont voici un extrait : « Quand ils se pencheraient sur le basculement du siècle, les journalistes écriraient que les Beatles fournissaient la musique et que George s’occupait de la chorégraphie. La bande sonore serait presque la même : les cris des filles hystériques et amoureuses de ces gueules d’ange. »
Et comme celle des Beatles, cette grande révolution sur le terrain s’est terminée trop tôt. George Best joue son dernier match de haut-niveau à 27 ans, avec Manchester, avant de s’égarer dans des nuits enivrées et des dettes impayées. Sa cirrhose le mène à une greffe du foie en 2002, ce qui ne l’empêchera pas de continuer de boire. Il meurt en 2005, à 59 ans.
George Best, c’est un peu le scénario classique du génie romantique, dépassé par son propre succès et c’est aussi une bonne leçon, donc, pour consoler Kylian Mbappé de ne pas avoir remporté le Ballon d’or hier soir.
Visuels © Getty Images / Hulton Deutsch, Bettmann