Le rappeur était aux Trans Musicales de Rennes. Il était aussi dans BAM BAM.
Il y a quelques semaines, Disiz la Peste sortait Disizilla, le douzième album de sa carrière, un album, et les obsessions qui l’accompagnent, qu’on avait décrypté longuement dans BAM BAM. Et cet album, il faut bien également le défendre en live, un exercice que le rappeur, qui est également comédien et écrivain, prend extrêmement au sérieux. En marge de l’édition 2018 des Trans Musicales de Rennes, Sophie Marchand et Jean Morel l’ont rencontré.
Comment est-ce qu’on l’appréhende, pour un emcee, le fait de se retrouver complètement seul face à son public ?
Disiz la Peste : Aujourd’hui, je n’ai plus la même approche du live que j’avais lorsque j’ai commencé. Dans mes premières années, je me voyais vraiment comme un rappeur, un emcee, un maitre de cérémonie. Il y avait toujours ce challenge : enflammer la foule. Et souvent dans le rap, lorsqu’il s’agit d’enflammer la foule, on est souvent dans une attitude : « faites du bruit ». Aujourd’hui à l’heure où je vous parle, je trouve que cette démarche-là fait pitié. Mon but n’est plus de faire crier les gens, mais de toucher les gens. Qu’ils ne comprennent pas pourquoi ils dansent, pourquoi ils pleurent, pourquoi ils expriment leur émotion… C’est ça qui compte pour moi aujourd’hui.
Je suis là pour vivre des émotions avec les gens
Tu ne te vois plus comme un entertainer. Tu es là pour créer des émotions…
Disiz la Peste : Voilà. Et même : pour vivre des émotions avec les gens. En tant qu’artiste, je suis forcément un peu mégalomane, mais j’ai dépassé le truc de la représentation, de vouloir me sentir beau, fort etc. Pour moi, ces moments sont vraiment privilégiés. Pour un artiste, la scène et le studio sont des moments singuliers, au cours desquels les moments s’arrêtent. C’est ça que je vise.
Sophie Marchand : Avec toute l’expérience que tu as accumulée, avec toutes les salles dans lesquelles tu as joué, aujourd’hui, est-ce que le live continue à te faire peur ? Ou est-ce que tu te dis simplement : « j’y vais parce que ça va être un moment exceptionnel, un moment de communion » ? Que si les choses se passent bien, tu vas prendre de l’énergie pour des semaines ?
Disiz la Peste : Oui c’est ça ! Il n’y a pas d’autres raisons qui me font monter sur scène. Ce n’est pas pour l’argent – parce que je gagne bien ma vie -, ce n’est pas non plus pour la compétition, c’est juste parce que, en fait, c’est délicieux. Même psychologiquement ça fait vraiment du bien de baisser les armes, de ne plus être dans une représentation, de juste être dans un partage d’émotion, et dans un moment où tu peux te lâcher. Tu t’autorises à être toi, et à vivre des choses avec des gens qui t’aiment ou qui te découvrent.
Rapper sur scène apprend aussi à rapper. Quand tu te retrouves sur un Zénith par exemple, et que tu arpentes une scène aussi grande, que tu cours d’un côté et de l’autre, il y a un truc important pour un emcee, c’est la respiration…
Disiz la Peste : En fait, déjà, il y a tout un travail en amont. Si tu es avec un backeur sur scène – ce que je n’aime pas dans le rap, et ce que je vois beaucoup dans le rap actuel notamment -, c’est que les emcees ne se prennent plus la tête à apprendre leur texte. Le backeur fait la première partie de la mesure, et ensuite le rappeur fait la deuxième. Ce genre de démarches, ça ne m’intéresse pas. Au niveau du souffle, t’as pas trop à le gérer parce que ton pote est là, par contre quand tu es vraiment dans l’optique de travailler ta scène et tout, c’est autre chose. Personnellement, j’ai pris des cours de respiration. Puis maintenant je chante sur scène – sans autotune -, il faut gérer tout ça.
Tu es accompagné par qui sur scène du coup maintenant ?
Disiz la Peste : J’ai mon DJ, mon batteur, mais également Paul qui est à la lumière, Urbain qui fait le son, et Fred qui fait notre son retour. Alors si je dis leur nom, c’est pas pour faire Michel Drucker et faire des dédicaces aux gens, c’est que je ne peux rien faire sans eux en fait. Vraiment dans mon live, la lumière est capitale ! Le show, je l’ai écrit, il y a trois mois, je suis allé en studio, je l’ai travaillé exprès pour la scène, je l’ai envoyé à tout le monde…c’est un vrai travail.
Le live, c’est un amoncellement de plein de choses
Est-ce que faire un beau live c’est quelque chose qui s’apprend, ou est-ce que c’est à force d’assister à des concerts et de regarder comment se déroulent les choses ? « Là je vois qu’il y a un boulot sur la mise en scène ou sur la lumière, j’ai envie de m’en inspirer ».
Disiz la Peste : C’est un mélange de plein de choses. C’est des lives, effectivement, mais c’est aussi des films que j’ai vu, c’est de la littérature, c’est de la peinture même pour le symbolisme des couleurs, c’est tout en fait. Mettre du rouge, ce n’est pas pareil que mettre du jaune, par exemple. Le théâtre aussi m’a énormément aidé. Le fait de jouer Othello pendant un an et demi, notamment, m’a énormément aidé (Les amours vulnérables de Desdémone et Othello au Théâtre Nanterre-Amandiers, avec Denis Lavant en Iago, NDLR). Le live, c’est un amoncellement de plein de choses.
BAM BAM, c’est le Bureau des Affaires Musicales de Radio Nova, animé par Sophie Marchand et Jean Morel, du lundi au vendredi sur Nova.
Visuel : (c) Radio Nova